Glendon Swarthout : Le Tireur
09/06/2016
Glendon Swarthout (1918 – 1992), est un écrivain américain, auteur de westerns et de romans policiers. Professeur d'anglais à l'Université Concordia Ann Arbour, dans le Michigan, il publie son premier roman en 1943. Il écrit ensuite pour le théâtre. En 1958, Ceux de Cordura lui vaut la notoriété quand ce roman est adapté au cinéma l'année suivante, sous le titre éponyme, par Robert Rossen. Son roman, Le Tireur, paru en 1975 a été adapté au cinéma par Don Siegel en 1976 sous le titre Le Dernier des géants, avec John Wayne dans son dernier rôle au grand écran.
En 1901, John Bernard Books, la cinquantaine, l’une des grandes gâchettes de l’Ouest mythique, se découvre atteint d’un cancer irrémédiable ne lui laissant plus que quelques semaines à vivre. C’est à El Paso qu’il choisit de finir ses jours. Mais d’un homme d’un tel calibre peut-on s’attendre à ce qu’il s’éteigne dans le calme ?
Pour la forme, il s’agit d’un roman western très classique, avec tous les acteurs qu’on attend/espère y trouver, ceux dont j’ai rassasié mon enfance au travers des westerns vus au cinéma ou à la télévision : le shérif, le barbier, le croque-mort, le pasteur, le doc, la prostituée, les petites frappes la main collée au holster… Classique, mais déjà sur ce point particulièrement bien mené par l’écrivain, avec des répliques comme on les aime « Doc, si je me baladais en faisant confiance à n’importe qui, je serais déjà mort plusieurs fois. » S’il n’y avait que cela, l’écriture et le rythme en ferait déjà un bon roman bien sympathique, truffé de détails techniques ou anatomiques pointus, mais Glendon Swarthout sait élever le débat.
Books est un solitaire ayant vécu à la dure, aujourd’hui il n’est plus qu’une épave ou presque, sans grands moyens et dont les jours sont comptés, terré dans une pension tenue par une veuve (Madame Rogers), mère d’un fils adolescent (Gillom) engagé sur la pente du mal. Sa présence en ville et sa maladie ont fuité et déjà les vautours, apeurés mais cupides se présentent à sa porte, tentant de tirer un profit pécuniaire du mourant célèbre qui ne tient que grâce au laudanum. D’autres, seconds couteaux minables, guignent la renommée en espérant achever un homme qu’ils pensent au bout du rouleau et facile à tuer.
Books doit alors livrer deux combats, l’un contre des adversaires extérieurs et finalement assez médiocres, l’autre contre le temps imparti par ce crabe qui le ronge. L’issue fatale étant connue de Books comme du lecteur depuis la première page du roman, toute la question est de savoir comment notre homme va la mener… ce que je ne vous dirai pas évidemment.
Un magistral roman sur la mort, une réflexion sur l’Homme confronté à son destin funèbre annoncé. Roman émouvant et poignant, d’autant que son héros n’est pas un « bon » (dans une conception morale simpliste) même s’il revendique n’avoir utilisé la violence que lorsqu’il était contraint, « Je refuse qu’on porte la main sur moi. Je refuse qu’on me trompe. Je ne supporte pas d’être insulté. » Et si jusqu’au bout il restera tel qu’en lui-même, peut-être qu’un doute l’effleurera quand il imaginera pouvoir avoir eu une autre vie s’il avait connu une femme comme sa logeuse plus tôt. Le bouquin s’achève néanmoins sur une note pessimiste avec un Gillom mal barré dans la vie… Un excellent roman avec une qualité supplémentaire, il est très court ! Que dire de plus pour vous inciter à le lire sans tarder ?
« Un autre homme semblait avoir essayé de passer par la fenêtre sud pour sortir de la maison. Mais il était immobile, jambes écartées. Et de ses fesses, à travers le pantalon en denim, un flot noir s’échappait comme s’il excrétait du sang. Se réveiller d’un sommeil du juste et tomber sur cette chambre infernale, offenser ses narines par ces relents de terreurs, de mort et de folie, donnait un avant-goût certain de l’Enfer. Les témoins à la porte restaient sur place, comme cloués au sol. Les employés du chemin de fer détournèrent la tête. L’institutrice essaya de crier, mais n’y parvenant pas, elle se mit à gémir. – Appelez le shérif, madame Rogers, ordonna Books. Quant à vous autres, foutez-moi le camp d’ici. »
Glendon Swarthout Le Tireur Gallmeister Totem – 199 pages –
Traduit de l’américain par Laura Derajinski
Nombre de romans de Glendon Swarthout ont été adaptés au cinéma, soit par de grands réalisateurs (Stanley Kramer, Don Siegel…), soit avec des acteurs de renommée certaine (Randolph Scott, Gary Cooper, Rita Hayworth…). Le dernier cas en date, The Homesman, en 2014 par et avec Tommy Lee Jones.
2 commentaires
Très très beau roman!!! Pas uniquement un western, en fait.
Le bouquin était noté dans mon calepin des livres à lire depuis une éternité et si je savais qu’il était bon, je n’imaginais pas qu’il le soit autant ! Je pense que le « western » qui en sert de cadre peut en minimiser la grandeur par un a priori regrettable. Alors, message à tous ceux qui n’ont pas encore lu ce livre : N’ayez aucune hésitation, ce roman nage dans les eaux du chef-d’œuvre !
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