Charles Dickens : Histoires de fantômes
19/10/2016
Charles John Huffam Dickens (1812-1870) est considéré comme le plus grand romancier de l'époque victorienne. Dès ses premiers écrits, il est devenu immensément célèbre, sa popularité ne cessant de croître au fil de ses publications. L'expérience marquante de son enfance, que certains considèrent comme la clef de son génie, a été, peu avant l'incarcération de son père pour dettes, son embauche à douze ans chez Warren où il a collé des étiquettes sur des pots de cirage pendant plus d'une année. Bien qu'il soit retourné presque trois ans à l'école, son éducation est restée sommaire et sa grande culture est essentiellement due à ses efforts personnels. Il a composé quinze romans majeurs, cinq livres de moindre envergure, des centaines de nouvelles et d'articles portant sur des sujets littéraires ou de société. Sa passion pour le théâtre l'a poussé à écrire et mettre en scène des pièces, jouer la comédie et faire des lectures publiques de ses œuvres qui, lors de tournées souvent harassantes, sont vite devenues extrêmement populaires en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.
Histoires de fantômes est un recueil de dix nouvelles écrites entre 1840 et 1866. La présente édition vient tout juste de paraître dans une nouvelle traduction complétée d’un important dossier de notes et notices très instructives.
Je ne vais pas entrer dans le détail de chacun de ces textes mais sachez que vous y trouverez des revenants, des esprits-frappeurs, des prémonitions dramatiques qui se réaliseront, des cadavres enterrés qui confondent leurs meurtriers, des rats diaboliques, bref toute la panoplie des effets d’épouvante qui réjouissent le lecteur amateur du genre. Et quand c’est écrit avec le talent de Dickens comment ne pas succomber. Je préciserai quand même que tous les textes ne sont pas du même niveau pour mon goût personnel.
Fantômes de Noël permet à l’auteur de nous proposer une étude sur les différentes sortes de fantômes, avec Esprits frappeurs authentiques de manier le comique absurde (« Question : Vous vous appelez Pâté de porc ? Réponse : Oui. Question : Et… est-ce que vous ne seriez pas par hasard… du pâté de porc ? Réponse : Si ») et l’humour gras (« Une étrange sensation intestinale, proche du lâcher de pigeons, s’empara de l’écrivain. ») car l’auteur écrit au second degré, genre pastiche. Dickens n’oublie pas de glisser dans certaines nouvelles des observations sociales ou des considérations sur la cause féministe (La Maison hantée) et le lecteur familier des romans victoriens gothiques se réjouira de retrouver ce type de décors, « …une demeure fort ancienne, pleine d’immenses cheminées où les bûches flambent sur de vieux chenets. Pendus aux lambris de chêne habillant les murs, de sinistres portraits (associés, pour certains, à de sinistres légendes…) nous surveillent d’un air méfiant. »
J’ai beaucoup aimé ce petit bouquin dans lequel on piochera, selon son humeur, telle ou telle histoire pour délicieusement frissonner avant d’aller se coucher.
« Effleurant le bras du juré assis juste à côté de moi, je lui demandai à voix basse : « Auriez-vous l’obligeance de compter les jurés présents ? » Il eut l’air surpris par ma demande mais tourna la tête et se mit à compter : « Mais… » fit-il brusquement, « nous sommes trei… Non, c’est impossible… Mais non, nous sommes douze. » Selon mes décomptes ce jour-là, nous étions toujours le bon nombre pris un à un, mais lorsque l’on recomptait l’ensemble des présents, il y en avait toujours un de plus. Aucune vision, aucune apparition ne permettait d’expliquer cela, mais le pressentiment montait en moi que l’apparition allait à coup sûr se présenter. » [Le procès pour meurtre]
Charles Dickens Histoires de fantômes Folio – 264 pages –
Traduction nouvelle et édition d’Isabelle Gadoin
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