Simon Liberati : California Girls
21/10/2016
Simon Liberati, né en 1960 à Paris, est un journaliste et écrivain français. Après des études de grammaire latine à la Sorbonne, il entre en journalisme, notamment à FHM, Grazia et 20 Ans où il s'occupe de la rubrique horoscope, qu'il avoue inventer, avant d’entamer une carrière d’écrivain. California Girls, son nouveau roman, vient de paraître.
Los Angeles, 8 août 1969. Charles Manson, gourou d’une bande de hippies liés par la drogue et le sexe, envoie une partie de sa « famille » - trois filles et un garçon – commettre un crime, première étape du grand chambardement sensé sauver le monde. La nuit même, sur les hauteurs de Los Angeles, les zombies défoncés tuent cinq fois. Sharon Tate, épouse de Roman Polanski enceinte de huit mois, est laissée pour morte après seize coups de baïonnette. Une des filles, Sadie, inscrit avec le sang de l’actrice le mot PIG sur le mur de la villa avant de rejoindre le ranch qui abrite la Famille.
J’avais dix-sept ans à l’époque des faits, donc assez âgé pour m’en souvenir encore – du moins des échos parvenus jusqu’à nous en France. Si Serge Gainsbourg décréta 1969, année érotique, Eros et Thanatos n’étant jamais très éloignées l’une de l’autre, on peut aussi dire que ce fut l’année qui mit un terme à l’utopie des sixties : en août à L.A. le massacre commis par la bande à Manson et en décembre à Altamont, le tragique festival rock où Meredith Hunter, un black, sera poignardé à mort par des bikers durant la prestation des Rolling Stones. Los Angeles et Altamont, deux villes californiennes… Un an plus tard, John Lennon en fera le constat amer dans sa chanson God (« the dream is over »).
Simon Liberati a donc écrit un roman (c’est écrit sur la couverture) sur ce tragique fait divers. Je ne connais pas les circonstances de sa rédaction, ni comment il a procédé mais il paraît évident à la lecture qu’il s’est appuyé sur une documentation sérieuse, du type rapports de police et procès verbaux d’interrogatoires de témoins autour desquels il a tissé sa partie romanesque. Ce qui induit une très grande précision dans les faits et descriptions macabres. Car disons-le tout suite, c’est épouvantablement atroce ! Et pourtant, par une redoutable technique d’écriture, l’écrivain tient son lecteur en haleine comme dans les meilleurs thrillers : le rythme est soutenu et la précision des détails des crimes (gestes, cris, corps mutilés, odeurs…) cliniquement décrits produit un effet anesthésiant ; le lecteur les yeux écarquillés devant ces scènes d’abattoirs clandestins n’a plus la force de résister et se laisse entrainer jusqu’au fins fonds de l’Enfer.
C’est là la grande force de ce roman et sûrement le but de l’auteur, au-delà de ce drame bien connu et qui ferait vomir n’importe qui d’horreur comme d’indignation, Simon Liberati prouve que ces mêmes gens (donc moi) peuvent aussi être fascinés et dévorer ces pages à vive allure de leur plein gré. Nous touchons là aux peurs extrêmes, celles des crimes « gratuits », le gang ne sait même pas qui sont ses victimes et par contrecoup, ces victimes pourraient être vous ou moi ! Ajoutons à nos peurs un élément supplémentaire, « l’idéologie » tellement débile de Manson qu’elle défie les lois de la compréhension et interdit tout dialogue contradictoire. Etrangement ça me rappelle - bien que dans un autre genre - des horreurs actuelles…
La partie romanesque pure, est fort bien traitée : la puissance psychologique de Charles Manson, petit bonhomme de 1,54m, imposée à ses troupes, leur aveuglement mystique, les délires des uns et des autres, mais aussi leurs souffrances passées les ayant amenés où ils en sont, ou bien l’introduction de noms connus de la Pop Culture dans le récit…
Un très bon roman, troublant et dérangeant à la fois.
« Aucun étranger ne pouvait comprendre ça. Aux yeux des cochons ordinaires, les flics, les cow-boys, les psychiatres, leur dévouement pour Charlie qui les poussa à commettre des crimes inutiles, à gâcher leur vie et à braver la chambre à gaz resterait un mystère. On accuserait l’hypnose ou la drogue mais il ne s’agissait que d’amour. Elles avaient trouvé en Charlie l’époux idéal, celui que cherchent les religieuses mystiques et les jeunes héros de toutes les guerres depuis l’Antiquité. »
Simon Liberati California Girls Grasset – 337 pages –
« La plupart des auditeurs britanniques savaient qu’un Helter Skelter était un toboggan circulaire, mais Charles Manson, qui découvrit l’album blanc en décembre 1968, crut que les Beatles avertissaient l’Amérique d’un conflit racial imminent. Dans l’idée de Manson, les Beatles étaient les quatre anges du Livre des révélations du Nouveau Testament, qui, par leurs chansons, leur ordonnaient, à lui et à ses disciples, de préparer l’holocauste en s’enfuyant dans le désert. Manson utilisait les mots Helter Skelter pour parler de ce soulèvement à venir. Ces mots furent également peints en lettres de sang sur les lieux des crimes et devinrent l’un des éléments clés de l’enquête. Lorsque Vincent Bugliosi, le procureur général de Los Angeles, publia le récit de l’affaire Manson, il choisit pour titre de son livre Helter Skelter. » L’Intégrale Beatles, les secrets de toutes leurs chansons, Steve Turner, éditions Hors Collection (1994).
2 commentaires
Ça a l'air vraiment bien, dites donc… Le genre de roman qui devrait me plaire. Je pense que je vais dépenser un peu de sous, tiens… Bon, sur Amazon, un critique parle de clichés vulgaires, mais j'imagine que ça fait partie de la violence de l'ensemble...
« Clichés vulgaires », honnêtement je ne vois pas à quoi cela fait référence ? La seule chose qui puisse rebuter certains lecteurs, ce sont les détails physiques des crimes et je peux le comprendre… mais c’est tout. En tout cas, un très bon roman pour moi.
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