François Mauriac écrivain oublié ?
19/12/2016
Au début de cette année qui s’achève, j’ai découvert dans le local des poubelles de mon immeuble, une poignée de romans dans de vieilles éditions de poche, dont l’un de François Mauriac. Je sais que mon billet commence de manière crapoteuse mais c’est pour faire mieux ressortir la beauté de la suite et respecter la vérité factuelle. Je n’hésite jamais à récupérer des bouquins, surtout quand c’est gratuit ! Donc, François Mauriac.
J’avoue que l’idée de me plonger dans l’un de ses romans m’a causé une sorte de choc. Aujourd’hui cela me paraît ballot et si vous êtes jeune peut-être ne me comprendrez-vous pas, mais quand j’étais adolescent ou tout jeune homme, dans le courant des années 60’, François Mauriac était classé comme un écrivain catho, de droite, réactionnaire – du moins dans la sphère intellectuelle qui m’était chère – et jamais je n’aurais eu envie d’en lire une ligne. Je l’avais vu à la télé, en noir et blanc, répondant aux interviews de sa voix aux accents si particuliers (suite à une opération de la gorge) ; ses livres étaient connus et réputés, des adaptations filmées existaient mais pouah ! Cet écrivain n’était pas pour moi, certainement pas !
Les années ont passé, mon jugement et mon indépendance d’esprit ont évolué fort heureusement, et ce bouquin trouvé, comme un signe du destin, m’a libéré de mon aveuglement de jeunesse. Ce billet est une sorte de rachat, un mea culpa, tardif certes mais sincère. Il faut lire François Mauriac. J’ai qualifié l’écrivain « d’oublié » en titre de ce billet, ce n’est peut-être pas le cas, je ne sais pas en vérité, mais l’important c’est d’ouvrir ses romans. N’hésitez pas, vous ne le regretterez pas.
J’ai chroniqué sur ce blog quatre de ses ouvrages, jetez-y un œil et laissez-vous tenter : deux romans Thérèse Desqueyroux et Le Sagouin, des mémoires avec Mémoires intérieurs et d’excellentes chroniques, mais qui s’adresseront à un public plus âgé ayant connu la télévision à son âge d’or, On n'est jamais sûr de rien à la télévision.
« Ecrivain français (Bordeaux 1885 - Paris 1970). Grand interprète de la vie provinciale, François Mauriac dépeignit aussi les souffrances du chrétien troublé par les questions du monde moderne. Contrastant avec son œuvre romanesque, son activité de journaliste révéla un polémiste au ton volontiers voltairien.
L'œuvre de Mauriac porte fortement la marque de son enfance et de sa jeunesse : d'abord par les images de Bordeaux et des landes girondines qui reviennent constamment sous la plume du romancier ; ensuite, et plus profondément, à cause de l'éducation chrétienne marquée de puritanisme que le jeune François a reçue. C'est alors que s'est forgée la hantise du « péché de la chair » qui marque l'œuvre du romancier.
Des jeunes gens troublés et parfois troubles (L'Enfant chargé de chaînes, 1913 ; Le Baiser au lépreux, 1922 ; Genitrix, 1923), des couples déchirés (Le Désert de l'amour, 1925 ; le Nœud de vipères, 1932), des femmes révoltées et humiliées (Thérèse Desqueyroux, 1927) témoignent de l'importance d'une sexualité partout présente et refusée comme le signe d'une dramatique misère humaine.
Cependant, chez cet écrivain chrétien, un attachement tout païen à la terre éclate dans les poèmes d'Orages (1925) ou du Sang d'Atys (1940). De même, on devine, derrière certaines lignes proches de la révolte de Souffrances du chrétien (1928), les manifestations d'une crise morale et religieuse.
L'essai Bonheur du chrétien (1929) traduit la fin de la crise et marque la « conversion » de Mauriac. Après une grave opération à la gorge en 1932, ce dernier, qui s'est cru perdu, est élu à l'Académie française en 1933 : s'ouvre alors une carrière prestigieuse où les succès se suivent.
Délaissant les romans centrés sur un drame individuel, Mauriac, sous l'influence d'œuvres contemporaines plus complexes, tente de diversifier et de multiplier les personnages dans les Anges noirs (1936) et surtout dans Les Chemins de la mer (1939).
Malgré les critiques de Sartre, qui, en 1939, lui reproche d'intervenir trop souvent dans le destin de ses personnages, Mauriac reste toujours moins préoccupé des questions de technique romanesque que des répercussions spirituelles de ses écrits. La Pharisienne (1941), Le Sagouin (1951), Galigaï (1952), L'Agneau (1954) complètent une œuvre qui reste centrée sur les problèmes du péché et de la grâce.
En 1952, le prix Nobel de littérature est non seulement une consécration, mais le point de départ d'une nouvelle carrière : Mauriac se voue désormais presque entièrement à une œuvre journalistique, souvent polémique et politique.
Déjà, avant guerre, il avait écrit dans l'Écho de Paris, Sept et Temps présent. En 1953, la crise marocaine puis l'engagement aux côtés du général de Gaulle marquent le Bloc-notes (1958) et Le Nouveau Bloc-Notes (1961) – qui reprennent des articles écrits entre 1950 et 1960 dans le Figaro et dans l'Express. Mauriac y soutient Mendès France, puis de Gaulle et la politique de décolonisation. Redoutable polémiste, il pourfend les médiocres de la vie politique.
Si, après 1920, les articles que publia Mauriac dans l'Écho de Paris traduisaient encore la pensée d'un homme de droite, en réalité, c'est avant 1914 – avec le Sillon, le mouvement de Marc Sangnier – que l'écrivain fut touché par le catholicisme social et démocratique.
Pourtant, il fallut la guerre civile d'Espagne et l'influence spirituelle exercée par les prêtres et les laïcs de l'Action catholique (autour des hebdomadaires Sept et Temps présent, entre 1937 et 1940) pour que Mauriac prît parti contre le général Franco et s'engageât peu à peu aux côtés des catholiques libéraux.
En 1943, pendant l'Occupation – et alors qu'il faisait l'objet d'attaques de la part du journal collaborationniste Je suis partout –, l'écrivain publia le Cahier noir aux Éditions de Minuit (alors clandestines), sous le pseudonyme de Forez. Si l'essai révélait une pensée politique nuancée, Mauriac s'y montrait intransigeant sur la défense des droits de l'homme.
Lorsque le Maroc et l'Algérie deviennent indépendants, Mauriac se tourne plus facilement vers la méditation. Plus qu'un journaliste, il est alors tantôt poète, tantôt philosophe dans des pages où le lyrisme affleure. On retrouve les thèmes que la réflexion « mauriacienne » nourrit depuis les débuts dans un certain nombre d'ouvrages théoriques ou autobiographiques, comme le Journal (1934-1950), les Mémoires intérieurs (1959) et les Nouveaux Mémoires intérieurs (1965) – ces deux derniers ouvrages rassemblant des chroniques tenues dans le Figaro littéraire. On peut mesurer dans ces livres l'importance affective de Maurice Barrès (qui avait accueilli et lancé le jeune poète des Mains jointes en 1909) et surtout la permanence de l'influence de Pascal, qui date des années de collège et ne se démentira jamais (« Je doute que sans lui je fusse demeuré fidèle »).
On doit encore à Mauriac, outre ses recueils de poèmes, des essais (Dieu et Mammon, 1929 ; Vie de Jean Racine, 1934 ; Ce que je crois, 1962 ; De Gaulle, 1964) et des pièces de théâtre (Asmodée, 1937 ; Les Mal-aimés, 1945 ; Passage du Malin, 1947 ; Le Pain vivant, 1950). » [Source : Le Larousse en ligne]
6 commentaires
Un auteur que j'ai beaucoup lu, mais il y a très très longtemps. Une blogueuse l'a remis sur le devant de la scène il y a quelques mois et elle était aussi enthousiaste!
J’aurais été très étonné que vous n’ayez pas lu François Mauriac ! Je ne connais pas la blogueuse qui en a parlé récemment mais je ne peux que la féliciter car il s’agit d’un écrivain qui mérite largement qu’on s’intéresse à son cas.
Je tourne autour de l'oeuvre de Mauriac depuis plusieurs années, me disant que je me remettrais bien à cet auteur un peu passé de mode.
Allez-y ! Foncez ! Ca vaut largement bien des publications récentes : les romans sont le plus souvent très courts mais ils valent plus que leur poids en noirceur et leur profondeur vous plongera au cœur de l’âme humaine. Tout cela en si peu de pages n’est-il pas la preuve que Mauriac est un grand écrivain ?
J'ai lu noeud de vipère dont j'ai beaucoup aimé la langue. Oui, certains auteurs semblent oublié surtout celle de l'après-guerre : actuellement, je lis giono qui me seemble pas très lu non plus. J'ai l'impression qu'on se focalise maintenant soit sur la littérature contemporaine ( les rentrées littéraires !) soit sur des auteurs très novateurs etc...
Il est certain que certains écrivains sont oubliés mais il y a plusieurs raisons à cela : les jeunes générations s’intéressent en priorité à leurs contemporains et comme l’édition (quoi qu’on dise de ses problèmes économiques) nous submerge à chaque rentrée littéraire de bouquins que nous n’avons pas le temps de tous lire, les derniers arrivés se placent en tête de liste de ceux qu’il faut lire… N’étant plus un perdreau de l’année, la situation me paraît grotesque car elle renvoie le critère de « qualité » au rayon des accessoires. Ne pouvant rien y faire à mon niveau, je me contente de lire uniquement ce dont j’ai envie, sans m’attacher à la nouveauté, car à titre personnel mes préférences littéraires vont vers la période qui s’étale entre le milieu du XIXe siècle et la première moitié du XXe… Vous citez Giono, je vous répondrais Henri Bosco…
Les commentaires sont fermés.