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01/02/2016

François Mauriac : Mémoires intérieurs

françois mauriac, marcel proust, François Mauriac (1885-1970) est un écrivain, poète et journaliste français, auteur de romans sur la vie provinciale (Thérèse Desqueyroux, Le Nœud de vipères), de pièces de théâtre (Asmodée), d’articles critiques et politiques (Le Bloc- Notes) ou de recueils de souvenirs comme ce Mémoires intérieurs (1959). Elu membre de l'Académie française en 1933, il reçoit le prix Nobel de littérature en 1952.

Mémoires intérieurs est une autobiographie, mais elle emprunte les chemins moins convenus des souvenirs traditionnels, même s’il y en a comme les allers-retours entre la région parisienne où il travaille et la maison familiale du Bordelais (la fameuse Malagar) où il naquit, pour se réfugier dans les pages des livres qui ont construit l’écrivain. Il s’agit donc d’un portrait en creux d’un François Mauriac, alors âgé de 74 ans, qui se dessine au travers des réflexions, remarques, jugements ou évocations des livres et des écrivains qui l’ont marqué. Je ne vais pas tous les citer, disons qu’il y a de longues pages sur Baudelaire, Musset, Emily Brontë, Proust (« le miracle proustien »)…

Nombreux sont ceux qui auront du mal à entrer dans cet ouvrage, ce que je comprends aisément, le langage est parfois un peu suranné mais si beau, tellement châtié et maîtrisé, emprunt d’une culture qui semble pesante de nos jours ; certaines réflexions fleurent les temps anciens, des passages m’ont été illisibles car se référant à des auteurs inconnus de moi. Un bouquin pour les explorateurs donc, ceux qui n’ont pas peur de se risquer dans la jungle, ici un sentier agréable mais là un passage où l’on passe en force, avec aussi ces clairières inattendues et carrément sublimes quand Mauriac parle de littérature, de la lecture (« Le peu que nous savons de nous-même, c’est parfois le personnage d’un livre qui nous le suggère à voix basse »), du travail de l’écrivain, de sa conception du roman « ([le romancier] un homme qui vit ses rêves ou qui les revit sans le savoir »), lui qui aura été élevé avec les « classiques » et qui voit arriver le « nouveau roman » c'est-à-dire une nouvelle époque (« On ne peut plus désormais être écrivain et ne rien comprendre à rien comme c’était courant sur le Boulevard au début du siècle »). Si vous n’êtes pas de cette race d’explorateurs, jetez au moins un œil sur le chapitre V qui ne peut qu’intéresser tous les lecteurs.  

Un bouquin écrit par un intellectuel qui a longuement réfléchi et pensé avant d’écrire, lu et relu les livres de sa bibliothèque. Il s’en dégage l’image d’un homme d’une époque révolue, fortement marqué par son éducation catholique et qui au crépuscule de sa vie (« … car la mort est là, maintenant, non plus comme une idée (…) Elle est devenue une présence toute proche…) s’interroge sur le rôle que Freud a pu jouer dans l’irruption de la sexualité en littérature.

Un livre très intéressant pour ceux qui aiment lire et s’intéressent à la littérature, malgré les réserves émises précédemment. Enfin je signalerai ce petit bonus (que j’apprécie toujours dans ce genre d’ouvrage), un index qui permet de retrouver facilement les pages où sont cités les écrivains et leurs œuvres.

 

« « Et nous qui travaillons pour plaire au public… » cette incidente de Racine, dans sa lettre dédicatoire à Madame, montre toute la distance parcourue : il ne s’agit plus aujourd’hui de plaire ou de ne pas plaire, mais de vivre, et le public l’entend bien ainsi qui trouve fort bon que les gens dont c’est le métier continuent d’écrire et de publier, même si le néant est la matière de leur ouvrage, et sans aucune autre raison que de publier et que d’écrire, puisqu’ils en vivent. Après Phèdre, Racine a pu craindre de plaire moins. C’est une question qui ne se pose plus pour nous : le droit à l’écriture rémunérée, à quel écrivain chevronné le contesterons-nous ? »

 

 

françois mauriac, marcel proust, François Mauriac  Mémoires intérieurs  Le Livre de Poche  - 373 pages –

 

 

 

 

 

 

Les gens d’un certain âge, comme on dit, auront plaisir à retrouver François Mauriac invité de Pierre Dumayet dans son émission télévisée Lectures pour tous du 6 mai 1959 (Oui, il y avait une autre vie avant Bernard Pivot !), où il évoque son livre de sa voix si particulière… ICI

 

 

 

 

 

 

Commentaires

Récemment des blogueuses se sont lancées dans la lecture de ses romans, qui méritent d'être lus, d'ailleurs! Mais ces Mémoires... à tenter en bibli, vous demeurez prudent.

Écrit par : keisha | 01/02/2016

Je reste prudent effectivement car je n’irai pas jusqu’à recommander ce livre à tout le monde. Non seulement ce n’est pas un roman (et tout le monde n’apprécie pas les autobiographies quel que soit l’angle pris pour les écrire) mais il est aussi marqué par l’âge, ce qui semblera certainement « lourdingue » aux jeunes générations ( ?). Néanmoins cet écrivain mérite d’être lu, que ce soit pour certains de ses romans (« Thérèse Desqueyroux ») ou bien dans un genre bien différent, pour le public plus ancien ayant connu les débuts de la télévision française (« On n’est jamais sûr de rien à la télévision »

http://lebouquineur.hautetfort.com/archive/2012/10/15/francois-mauriac-on-n-est-jamais-sur-de-rien-a-la-television.html)

Écrit par : Le Bouquineur | 01/02/2016

Je me sens une âme d'explorateur: ces Mémoires sont exactement ce qu'il me faut en ce moment, où je traîne une certaine mélancolie des textes fins, cultivés, denses et bien écrits. Ce qui m'attriste un peu, c'est que cette écriture classique, ce regard profond, cultivé, cette façon de considérer le monde en s'adossant à une bibliothèque soit en train de devenir pour nous une sorte de jungle. Comme pour les premiers explorateurs redécouvrant Angkor. Ou pour des archéologues du futur progressant dans Paris ou dans Rome tout envahies de lianes...

Écrit par : Cléanthe | 01/02/2016

Moi aussi cela m’attriste Cléanthe, c’est bien pour cela que je ne m’attache pas à lire et chroniquer les nouveautés littéraires, la majorité me tombant des mains rien qu’à en lire les deux premières pages. D’un autre côté, je vois bien que ce genre de réflexion me classe définitivement dans la catégorie des vieux réacs (ce dont je me contrefiche, par ailleurs). Aussi, sans tomber dans le prosélytisme forcené, je tente de remettre à l’honneur de vieux écrivains en espérant que mes billets pousseront les lecteurs de ce blog à y mettre le nez et qu’ensuite, contaminés par la belle écriture et le style de ceux-ci, ils y reviendront d’eux-mêmes.

Écrit par : Le Bouquineur | 01/02/2016

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