Kent Haruf : Nos âmes la nuit
16/01/2017
Kent Haruf (1943 – 2014) est un écrivain américain dont une petite poignée de romans sont disponibles chez nous, comme ce Nos âmes la nuit, paru quelques mois à peine après sa mort en 2014, et récemment traduit.
Dans la petite ville de Holt (lieu de prédilection de l’écrivain), Addie, soixante-quinze ans, est veuve depuis bien longtemps. Son voisin proche, Louis, est veuf lui aussi. Ils se connaissent de vue bien entendu, mais sans plus. Un jour, Addie se présente chez Louis pour lui faire une bien étrange proposition : accepterait-il de venir passer, de temps en temps, une nuit avec elle, juste pour discuter et lui tenir compagnie ?
J’avais déjà lu Kent Haruf (Les Gens de Holt County) il y a bien longtemps mais si j’avais bien aimé le roman à l’époque, je n’y étais plus revenu, trop de livres et d’écrivains… Je le regrette franchement, car ce roman m’a véritablement emballé, tout y est réussi, je n’y vois aucun défaut (Sans blague ? Juré !)
L’idée de départ du roman est excellente, cette femme âgée qui vient aborder à la hussarde son voisin ! J’ai presque éclaté de rire dès la première page (« Je me demandais si vous accepteriez de venir chez moi de temps en temps pour dormir avec moi. ») Tout ensuite va s’enchainer avec une simplicité évidente, faisant passer le lecteur par la gamme complète des sentiments, après le rire d’entame, le souriant, la nostalgie, le touchant, l’émouvant, selon les passages. Les deux « amants » se racontent leurs vies, le bien et le moins bon, le gai et le triste, leurs espoirs déçus (elle, voulait être professeur mais une grossesse contrariera son projet, lui, professeur de littérature voulait être poète mais ce n’était pas du goût de son épouse).
Cette liaison incomprise fait vite jaser les villageois avant d’arriver aux oreilles des enfants respectifs du couple qui trouvent cela scandaleux et répugnant, mais Addie a du caractère et les deux adorables vont s’offrir du bon temps. Je vous laisse découvrir le reste.
Le roman est court et fait de chapitres qui ne le sont pas moins, des dialogues sans tirets ni guillemets, l’écriture incisive sans excès de pathos, pour ainsi dire juste les faits, mais le lecteur est vite touché par cette criante preuve de vérité, d’amour platonique et d’amitié profonde d’autant que chacun sait que ce sera la dernière.
Si vous n’avez pas encore lu ce roman, je tiens vraiment à vous convaincre de vous y plonger, c’est merveilleusement beau, un hymne à la liberté et au bonheur qui prend d’autant plus de poids que ses héros sont deux seniors, comme on dit aujourd’hui.
« Puis il se mit à pleuvoir. Je ferai mieux de fermer la fenêtre. Pas complètement. Sens-moi cette odeur exquise. La plus exquise des odeurs… Eh oui. Il se leva pour aller fermer partiellement la fenêtre, puis revint se coucher. Allongés l’un à côté de l’autre, ils écoutaient la pluie. On dirait que, comme pour moi, la vie n’a pas très bien tourné pour toi, en tout cas pas comme on l’espérait, dit-il. Sauf qu’elle me parait douce aujourd’hui, en cet instant. Plus douce que je ne mérite, en tout état de cause. Oh mais si, tu mérites d’être heureux. Tu ne le crois pas ? »
Kent Haruf Nos âmes la nuit Robert Laffont – 168 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anouk Neuhoff
4 commentaires
Oui, un très beau roman, qui évite les écueils.
C’est ce que je craignais en ouvrant ce livre, que ce soit trop nunuche ou sentimental pour mon goût, en fait l’écrivain se sort du piège en beauté. Chapeau !
Encore une petite merveille, visiblement. Chaque fois que je passe par ici, j'en repars avec de nouvelles découvertes. Merci pour ce travail de défricheur.
Merci Cleanthe ! N’hésitez pas à repasser me voir, par exemple jeudi où je vous proposerai un excellent roman tout juste paru…
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