Lance Weller : Les Marches de l’Amérique
20/03/2017
Lance Weller, né en 1965 dans l'Etat de Washington, est l’auteur de plusieurs nouvelles qui lui ont valu diverses récompenses littéraires. Après un excellent premier roman, Wilderness, publié en 2012, son second opus, Les Marches de l’Amérique vient tout juste de paraître.
Le précédent roman de l’écrivain se déroulait durant la Guerre de Sécession, celui-ci s’achève à cette époque. Pigsmeat et Tom se sont connus enfants, bien des années plus tard leurs routes se croisent à nouveau et force leur est de constater qu’ils n’ont pas eu la vie facile, épaves ambulantes aux mains tachées du sang d’hommes qu’ils ont tués, au grand désespoir de Pigsmeat conscient d’avoir « à passer le reste de ma pauvre existence à errer en compagnie de Tom. De celle qui a fait de moi un homme sans but dans la vie et qui n’est d’aucune utilité à personne. » Tom devenu un tueur et à la personnalité étrange, porte aussi le poids du parricide. Tous deux vont se lancer dans un ultime défi, aider Flora à se venger : esclave métisse prostituée par son maître, elle veut rapatrier au Mexique le corps du fils de son tyran, conservé dans un cercueil rempli de sel.
La période couverte par l’intrigue s’étend de 1815 à 1864, nous y croiserons des Indiens hostiles et des Noirs esclaves, des personnages fictifs évidemment mais bien réels aussi comme James Kirker ou Friedrich Wislizenus, il sera question du conflit entre Mexique et Texas et plus largement de la naissance des Etats-Unis, avec comme un léger écho avec la situation actuelle entre ces deux pays. Roman relativement dense donc, servant de décors au destin des trois personnages principaux que nous suivons, séparément puis lors de leur parcours commun, sans que la trame narrative s’attache à la chronologie des évènements.
L’écriture est très belle, emprunte de lyrisme parfois. Mais on retiendra particulièrement l’accumulation de scènes très cinématographiques, grandioses car dramatiques et d’images saisissantes de dureté. D’un point de vue technique, on notera que l’écrivain s’interdit tout suspense, n’hésitant pas au contraire, à plusieurs reprises, à annoncer au lecteur ce qui va se passer dans le futur lointain ; j’ai d’abord pensé que cela nuisait au potentiel émotionnel du roman mais en fait ça le renforce, le lecteur sait comment tout cela va finir et du coup, les actes des personnages n’en prennent que plus de poids.
Si vous avez lu le précédent roman de Lance Weller, vous retrouverez ici des traits communs : le chien, la Guerre de Sécession, des scènes très fortes, un récit non linéaire et un voyage ultime. Une nouvelle fois, Weller nous offre un très bon roman. Un livre sur le sens à donner à la vie, ou comme le prophétise Tom, « Je crois que les choses vont commencer à mal tourner avant qu’on ait fait la moitié du chemin. – C’est ce que tu penses vraiment ? lui demanda Flora. (…) Alors, pourquoi essayer ? demanda-t-elle. »
« Tom baissa la tête. Il était très fatigué et la douleur résonnait à l’intérieur de son crâne. Il regarda Pigsmeat, Pigsmeat le regarda à son tour. A voir l’expression qu’ils arboraient tous deux, on aurait dit qu’ils venaient de se mettre d’accord sur autre chose qu’un campement. Comme s’ils avaient négocié un plan d’action, un mode de vie, une façon de se débrouiller qui les ferait poursuivre leur chemin ensemble aussi longtemps que Tom vivrait. »
Lance Weller Les Marches de l’Amérique Gallmeister – 355 pages –
Traduit de l’américain par François Happe
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