Virginia Woolf : Vers le Phare
25/04/2017
Virginia Woolf, pseudonyme d’Adeline Virginia Alexandra Stephen (1882-1941), est une femme de lettres anglaise, l'une des principales auteures modernistes du XXe siècle. Bisexuelle et féministe, elle fut une figure marquante de la société littéraire londonienne et un membre central du Bloomsbury Group, qui réunissait des écrivains, artistes et philosophes anglais, groupe au sein duquel elle rencontrera Vita Sackville-West avec qui elle aura une liaison durant toutes les années 1920. Woolf souffrait d'importants troubles mentaux et présentait tous les signes de ce qu'on nomme aujourd'hui, troubles bipolaires. En 1941, à l'âge de 59 ans, elle se suicida par noyade dans l'Ouse, dans le village de Rodmell (Sussex), où elle vivait avec son mari Leonard Woolf, écrivain lui aussi. Elle avait commencé l'écriture comme activité professionnelle en 1905 pour le supplément littéraire du Times et un premier roman en 1915. Vers le Phare (qui connait d’autres titres proches selon les traductions) date de 1927.
Les Ramsay et leur famille nombreuse de huit enfants, ont l’habitude de passer les vacances sur une ile Ecossaise avec des amis. Au large sur un caillou, le Phare où l’on se promet d’aller demain selon la mère, projet sans cesse repoussé par le père avançant des contraintes météorologiques. Dix années s’écoulent, la mort a frappé la famille, la mère et deux enfants ne sont plus là, le reste de la tribu retourne sur l’ile et finit par aller au Phare, symbole de l’accomplissement et toujours écrit avec une lettre majuscule tout du long du texte.
Le roman est particulièrement complexe à lire, ce qui le réservera à un public averti ne le cachons pas. Il s’agit de ce genre de livre où il n’y a pas d’histoire mais une plongée en eaux profondes dans les sentiments et les pensées intimes des personnages, où la notion de temps est une succession d’instants éphémères. Tout comme le ferait Marcel Proust mais à cette différence – pour moi – que l’écriture du premier est fluide, coule avec facilité, tandis que chez la seconde le style est plus heurté, parfois dissonant si nous parlions musique, douloureux pour le lecteur pour tout dire et il faut s’accrocher pour suivre. Le livre est fait de trois parties, ou plutôt de deux séparées par un court tunnel de liaison – le temps d’une Première guerre mondiale - entre les deux époques, comme une pause pour le lecteur éprouvé. La dernière partie du roman m’a été plus agréable à lire, le temps de m’habituer à l’écriture de Virginia Woolf peut-être mais aussi au fait qu’il y a plus de descriptions.
Etude de caractères, la mère toujours bienveillante et débordante d’empathie pour les êtres qui l’entourent même si avec son mari ce n’est pas toujours facile ; mari jamais très à son aise en particulier avec ses proches, « La vérité, c’est qu’il n’appréciait pas la vie de famille. » Ce qui en conséquence attise un esprit de révolte des enfants envers leur géniteur. Et puis il y a Lily Briscoe, l’une des filles, artiste peintre, qui observe et n’en pense pas moins.
Le roman s’achève sur une double finitude, le tableau de Lily Briscoe est terminé, le père et ses enfants atteignent le Phare. Le temps a accompli son œuvre.
Un très beau livre mais je le répète, duraille à lire pour les lecteurs occasionnels.
« Il n’y avait pas la moindre chance qu’ils aillent au Phare demain, rétorqua Mr. Ramsay avec humeur. Qu’en savait-il ? demanda-t-elle. Le vent tournait souvent. L’incroyable irrationalité de sa réflexion, la folie de la logique féminine le mettaient en rage. Il avait chevauché dans la vallée de la mort, avait été mis en pièces et secoué de frissons ; et voilà qu’elle se permettait de nier l’évidence, poussait ses propres enfants à espérer quelque chose qui était absolument hors de question, pratiquement, racontait des mensonges. Il tapa du pied sur le seuil de pierre. « Le diable t’emporte », dit-il. Mais qu’avait-elle dit ? Seulement qu’il ferait peut-être beau demain. C’était possible. »
Virginia Woolf Vers le Phare Gallimard Pléiade Œuvres romanesques tome 2 - 184 pages –
Traduction par Françoise Pellan
2 commentaires
Duraille, mais ça vaut amplement la peine!!!! (je pousse le vice jusqu'à la lire en anglais, tu vois où j'en suis, j'adore!)
Glups ! Et même glups et glups !!!
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