Jérôme Leroy : Un peu tard dans la saison
01/05/2017
Jérôme Leroy, né en 1964 à Rouen, est un écrivain français. Il compte à son actif plus d’une dizaine de romans, de nombreuses nouvelles et de la poésie. Un peu tard dans la saison, son dernier roman, vient de paraître.
A notre époque, un phénomène inexpliqué et encore tenu caché par les pouvoirs publics (nom de code : l’Eclipse) s’empare de la société : des milliers de personnes, du ministre à l’infirmière, de la mère de famille au grand patron, décident du jour au lendemain de tout abandonner de leur vie et disparaître. Guillaume Trimbert, écrivain fatigué, est-il lui aussi sans le savoir candidat à l’Éclipse alors que la France et l’Europe, entre terrorisme et révolte sociale, sombrent dans le chaos ? C’est ce que pense Agnès Delvaux, jeune capitaine des services secrets.
La jouant d’emblée mystérieuse, Jérôme Leroy capte immédiatement l’attention de son lecteur qui ne comprend pas très bien l’intrigue. D’un côté il y a ces gens qui disparaitraient soudainement sans laisser aucune trace, de l’autre il y a ce Guillaume, la cinquantaine, communiste usé par un peu tout, à la recherche d’une porte de sortie, et pour faire le lien entre ces deux points narratifs nous avons Agnès. Jeune femme bossant pour les services secrets, elle est chargée d’éliminer ceux qui tentent de disparaitre des radars de la société ; son attention se porte sur Guillaume mais à mesure que les pages défilent le lecteur réalise que l’intérêt d’Agnès pour Guillaume, dépasse le cadre de son job, elle en fait une affaire personnelle… pourquoi ? Mystère et boule de gomme que je vous laisse découvrir.
Roman social et critique de notre société, voire d’anticipation. En France comme en Europe, émerge une nouvelle forme de contestation de la société (celle des réseaux sociaux, des smartphones, des banques, des multinationales etc.), le combat politique ne sert à rien, la violence terroriste/casseurs non plus, alors les gens, sans se donner le mot ni répondre à des consignes, lâchent prise, abandonnent tout d’un coup et disparaissent. Cette situation inédite, pire que les attentats djihadistes, prend de court l’Etat qui ne peut qu’envoyer ses sicaires éliminer pour de bon ces trublions en espérant arrêter l’hémorragie, « Si tout le monde arrête, si tout le monde s’en va, nos sociétés vont s’effondrer en quelques années. »
Guillaume Trimbert, lui aussi ressent imperceptiblement cette envie de tout plaquer pour retrouver les basiques de la vie, la vraie vie. Plus il va s’éloigner de sa vie d’autrefois, plus Agnès Delvaux va se rapprocher de lui…
Le roman est extrêmement agréable à lire, nous voyageons beaucoup avec Guillaume de la Belgique au Portugal et à travers toute la France dite profonde ; le texte est truffé de références aux films des années 80 et surtout aux écrivains et leurs livres, d’André Dhôtel à Charles Bukowski en passant par « son cher Blondin » ! La seule réserve que je puisse émettre, un fait – que je ne peux révéler ici – lors du dénouement final m’a semblé incongru, pour ne pas dire plus… Enfin, pour en terminer, c’est le genre de bouquin où l’on souligne beaucoup de phrases percutantes comme celle-ci, « On se sera beaucoup indigné, dans ce monde-là, pas nécessairement sur ce qu’il aurait fallu, mais enfin, cela aura été la posture favorite des contemporains. »
« Dans ces coins-là, on se préparait depuis un bout de temps à un survivalisme doux. Et je pense qu’ils ont survécu d’ailleurs, tous les petits camarades de Tavaniello, ceux qui avaient installé leurs communautés dès les années 2000 sur le plateau de Millevaches, ceux que certains de nos collègues avaient essayé de faire passer pour des terroristes dangereux en sombrant dans le ridicule. Il est vrai que l’année 2015 qui commençait allait relativiser, à coup de salles de rédaction, de salles de spectacles et de terrasses de cafés transformées en charniers, l’idée que quelques jeunes gens lucides écrivant un français parfait, quand bien même ils auraient fait joujou avec quelques caténaires de TGV, aient été des terroristes. »
Jérôme Leroy Un peu tard dans la saison La Table Ronde – 254 pages -
2 commentaires
Un auteur par ailleurs charmant, je viens de le rencontrer en salon (et en débat)
Un bon point supplémentaire....?
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