Nicolas Bouvier : Chronique japonaise
27/06/2017
Nicolas Bouvier (1929-1998) est un écrivain, photographe, iconographe et voyageur suisse. Après avoir suivi des cours d'histoire médiévale, de sanskrit et de droit à l'Université de Genève, Nicolas Bouvier se lance dans un long voyage de plus d’un an en Asie, commencé avec un ami, puis en solitaire à travers l'Inde afin de gagner la Chine. La route étant fermée pour des raisons politiques, il gagne Ceylan où, malade et déprimé, il reste neuf mois. A son actif plusieurs séjours au Japon (seul ou avec femme et enfants) et d'autres voyages en Asie (Corée du Sud, Chine) ou en Europe (Irlande, Iles d'Aran).
Chronique japonaise a connu plusieurs versions : la première a été publiée en 1967 sous le titre Japon. La première édition sous le titre Chronique japonaise, en 1975, modifie le texte de Japon en y ajoutant des épisodes du séjour de 1964-1966, et une troisième version, définitive, publiée en 1989, reprend des textes écrits au cours du séjour de 1970. C’est de cette ultime version qu’il est question ici, regroupant les récits de ses trois séjours au Japon (en 1955-1956, 1964-1966 et 1970)
J’ai lu ce livre pour la première fois, il y a vingt-cinq ans, et j’avoue que j’en avais gardé un souvenir déçu. Ce qui était franchement étonnant puisque j’avais en main le bouquin d’un écrivain de talent, d’un voyageur et qui plus est, relatant un séjour au Japon ! Trois arguments qui théoriquement ne pouvaient que m’enchanter. Il fallait donc que je répare ou confirme définitivement mon jugement.
J’ai vite compris ce qui avait dû me rebuter à l’époque, ce long début d’ouvrage consacré à l’histoire du Japon. Certainement un malentendu, je pensais mettre mes pas dans ceux d’un crapahuteur décrivant par le menu ce qu’il voyait en chemin, genre guide touristique des chemins creux. En fait, nous avons là le livre d’un vrai écrivain et d’un homme cultivé – style impeccable et explications claires, mêlant le vécu à l’Histoire pour donner du sens au tout. Et ce tout, en creux, nous éclaire sur la mentalité des Japonais. Ce qui n’est pas un mince exploit. Du coup mes réticences d’hier me paraissent bien minables après relecture.
Nicolas Bouvier voyage le bagage léger et le porte-monnaie pas plus lourd, ce qui le conduit à séjourner dans les quartiers populaires, les pensions parfois limite sordides, au plus près des petites gens, ce qui lui permet de découvrir par l’intérieur la réalité du pays, grandement aidé il faut le dire par sa connaissance de la langue. Pour enrichir son maigre pécule, il écrit des articles pour de petits journaux, et il photographie les Japonais, les vieux, les jeunes, les travailleurs… Notre Suisse aime la discrétion et la simplicité, la beauté du naturel, « J’aime d’ailleurs beaucoup ces natures qui ne font pas de musique symphonique mais ne connaissent que quelques notes et les répètent inlassablement. »
Avec ce voyageur vous comprendrez mieux ce qu’est le Zen même si l’auteur toujours modeste avoue, « ce que je sais du Zen aujourd’hui me permet tout juste de mesurer à quel point j’en manque, et combien ce manque est douloureux », le Tao et ses chemins d’accès, koans et satori. Vous vous régalerez aussi des très belles pages sur le théâtre No.
Un très bon livre. Et si le début vous rebute, persévérez, la lumière est au bout du chemin.
« Ce train omnibus est bondé… (…) Les deux vieilles qui me font face ont terminé leur besogne, sorti leur bento (pique-nique) et prennent leur petit déjeuner – du riz collé et quelques brins de choux aigre – littéralement sur mes genoux. Puis le première déplie un mouchoir immaculé et essuie d’un geste gracieux les grains qui couvrent mon paletot, tandis que la deuxième frotte une allumette soufrée et la laisse brûler jusqu’au doigt parce qu’elle a lâché un de ces vents que la civilité réprouve. »
Nicolas Bouvier Chronique japonaise Petite Bibliothèque Payot – 286 pages –
J'ai retrouvé avec émotion, plié en quatre dans mon exemplaire du bouquin, l’article de Libération daté du 19 février 1998, consacré au décès de l’écrivain :
10 commentaires
Tu as choisi le même livre que Miss Sun aujourd'hui. Je raconte sur son blog mes déboires pour me procurer et lire enfin "L'usage du monde" : pire qu'un trek au Japon ! Mais je ne renonce pas, c'est un auteur que je dois découvrir.
J’ai lu cela ! Rien de plus énervant que ces livres égarés par les bibliothèques mais qui restent au catalogue, j’en ai fait maintes fois l’expérience… Quant à mon choix il s’explique simplement : c’est le seul Bouvier que je possède et comme il ne m’avait pas convaincu à l’époque, j’avais abandonné l’auteur ; par ailleurs – dans mon esprit du moins – je crois que « Chronique japonaise » et « L’usage du monde » sont ses deux bouquins les plus réputés… Et comme maintenant j’ai révisé mon jugement sur Bouvier, je tenterai de me procurer cet autre livre. A suivre…
Nous avons choisi le même livre par le plus grand des hasards !
Comme je viens de le dire à Sandrine, je ne pense pas que ce soit réellement le hasard… juste une probabilité forte !
Merci pour ton avis
J'avais lu "L'usage du monde" (coup de bol il était disponible en bibliothèque mais bon un peu normal quand même : j'habite Genève)
Je vais donc chercher les chroniques japonaises
Echange de bons procédés… moi, de mon côté je vais tenter de me procurer « L’usage du monde » ! En tout cas, bonne lecture à toi !
Je viens de demander l'usage du monde à la bibli, en magasin, espérons qu'il n'a pas disparu... ^_^ J'avais démarré la lecture il y a longtemps, puis laissé, je me demande s'il ne faut pas laisser mûrir le truc, finalement, pour bouvier.
Personne n’en parle mais je crois qu’il y a effectivement un « problème » avec Bouvier. Que ce soit un bon écrivain, c’est certain, que ses livres soient cultivés c’est sûr aussi, mais j’ai lu des bouquins d’écrivains tout autant huppés (Patrick Leigh Fermor…) à la même époque que ma première incursion chez Bouvier et j’ai calé avec le Suisse mais pas avec l’autre. Pourquoi ? Je ne sais toujours pas réellement pourquoi….
Patrick Leigh Fermor est anglais, avec l'humour qui va avec : serait-ce un début de réponse?
Ce sont de bons arguments – encore que je n’aie pas souvenir d’un humour évident chez Leigh Fermor ( ?) – mais c’est autre chose… peut-être dans la personnalité de Bouvier, quelque chose non dit à l’écrit mais qu’on ressent à le lire… ?
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