Elmore Leonard : ZigZag Movie
23/06/2017
Elmore John Leonard Jr. (1925-2013) est un romancier et scénariste américain. Elmore Leonard vit ses dernières années dans le comté d'Oakland (Michigan), avec sa famille. En 2012, il est lauréat du National Book Award pour l'ensemble de son œuvre qui compte plusieurs dizaines de romans. ZigZag Movie (Get Shorty) date de 1992.
Producteur pourchassé par ses créanciers, Harry Zimm vient se réfugier chez son ex, Karen une actrice (« Elle n’a jamais eu beaucoup de talent – à part cette poitrine que vous avez peut-être remarquée, et d’où je pense qu’elle tient cette fantastique aptitude à hurler »). En pleine nuit, un inconnu s'introduit dans la maison et branche la télévision. C'est Chili, un truand coriace, chargé par le syndicat de faire cracher les mauvais payeurs. Le producteur bedonnant va convertir Chili aux joies de l'art cinématographique, mais comment trouver les millions de dollars nécessaires pour monter un projet sinon le plus illégalement du monde ?
Etonnant roman qui tient du polar pour son intrigue, de la comédie pour son ton et du roman sociologique pour son étude du milieu du cinéma.
L’intrigue est assez tarabiscotée, menée comme une longue fuite en avant avec passages de témoin entre personnages surgissant les uns après les autres, du genre untel connait machin qui fricote avec l’autre… le tout agencé par l’écrivain pour créer une sorte de mise en abîme jubilatoire où il est question du montage d’un film dont le scénario ressemble peu ou prou à celui du roman que le lecteur lit ! Et le comble pour cette histoire à tiroirs, ce bouquin aura droit à une adaptation cinématographique bien réelle en 1995 (Get Shorty, film de Barry Sonnenfeld avec John Travolta, Gene Hackman, Dani DeVito et Bette Midler).
Le rythme est rapide grâce à d’excellents dialogues, le ton est drôle sans tomber dans la grosse rigolade, « Tu veux du bouc en gelée ? Ils iront en acheter s’ils n’en ont pas ! Nom de Dieu ! Ce qu’il fallait endurer avec les acteurs ! L’idéal, ce serait de faire les films sans eux. » Je hais les acteurs aurait dit Ben Hecht…
Et comme toute cette histoire parle de cinéma, nous sommes à Los Angeles et Hollywood, sur le Sunset Strip, croisant de célèbres personnalités du milieu – les people apportant une touche de connivence avec le lecteur qui se réjouit de « connaitre » tel ou telle. Elmore Leonard sait de quoi il parle, ayant écrit des scénarios pour la télé ou le cinéma et nous savourons cette virée dans le petit monde interlope d’un certain cinéma (Mais là, toute ressemblance avec… blablabla).
Sans crier au chef-d’œuvre, voici un petit polar franchement très réjouissant.
« - On appelle cette attitude « complexe de supériorité », ou faire de l’épate. Sentir un garde du corps transporter son sac, c’était l’apothéose. Par ici, c’est courant. On voit ça chez les acteurs, le type qui gagne cent milles dollars par film a un coup de veine, il fait un triomphe et son tarif grimpe à un million. Très vite, il en est à plusieurs millions par film, plus un pourcentage sur les recettes. Il est toujours le même schmuck, avec ses dents refaites et son froc moulant, mais d’un seul coup, il connait le cinéma mieux que tout le monde. Il réécrit les scénarios, ou les fait réécrire. Il dit au metteur en scène comment il va jouer son rôle, et si le directeur de production ne lui revient pas, il lui fait interdire le plateau. »
Elmore Leonard ZigZag Movie Rivages/Noir - 294 pages –
Traduit de l’américain par Michel Lebrun
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