Harry Crews : Le Faucon va mourir
03/07/2017
Harry Crews (1935 - 2012) est un romancier américain. Orphelin de père dès l’âge de deux ans, confronté à un beau-père alcoolique et violent, son enfance est marquée par les conditions de vie difficiles dans le Sud rural et de graves problèmes de santé. A 17 ans il s’engage dans le corps des Marines, où il passera trois années durant lesquelles il combat en Corée et découvre la littérature. Il intègre ensuite l’université de Floride pour des études d’anglais, qu’il interrompt en 1956 pour une virée de 18 mois en moto à travers les Etats-Unis. Il exercera jusqu’en 1997 comme enseignant d’anglais dans plusieurs écoles et universités de Floride. Il laisse derrière lui presqu’une vingtaine de bouquins dont celui-ci, Le faucon va mourir (1973) qui vient d’être réédité.
Tout d’abord sachez que ce roman paru dans la collection « Policier » de Folio n’a absolument rien du polar ou même du genre policier, d’où de probables déconvenues chez les futurs lecteurs : les amateurs du genre n’y trouveront pas leur compte et ceux qui pourraient être intéressés n’iront pas le chercher dans les bons rayons de leur librairie. Les mystères de l’édition…
George Gattling tient une boutique de sellerie auto en Floride, secondé par Billy Bob à l’atelier et la jeune Betty au secrétariat – accessoirement sa maitresse. Célibataire, il héberge sa sœur Precious et son fils Fred, un adolescent mentalement attardé mais porté sur la bouteille. George n’a qu’une passion dans la vie, les faucons, dont il tente en vain (tous meurent) jusqu’à ce jour le dressage, ce qui lui vaut l’incompréhension et les moqueries de tous. La capture d’un nouveau rapace et l’étrange décès de son neveu Fred, noyé dans son matelas à eau, vont sacrément perturber le quotidien de George…
Voilà un roman particulièrement bizarre. Bizarre, vous avez dit bizarre, comme c’est bizarre ! Le livre est plutôt bon, plaisant à lire, mais une fois terminé on ne sait pas trop ce que voulait nous dire l’auteur ni même si son récit à un sens véritablement, hésitant entre le roman noir et le comique de situations.
Donc, ce n’est pas un polar ; certes nous avons un décès suspect (Fred) mais le récit en restera là. Pourquoi pas ? Par contre le roman est centré sur George et sa passion quasi pathologique pour les faucons qui le rend étrange au regard des autres. Autres, que lui nous peint comme des empêcheurs de vivre. Chacun sa vérité. Mais il faut quand même bien admettre que notre George est un peu spécial : que ce soit avec Betty (la seule femme qu’il ait bibliquement connue ?) ou avec son satané moineau qui va rester lié à son poignet durant tout le roman (pour le dresser) alors que les préparatifs de l’enterrement du neveu ont lieu.
Le roman oscille entre noirceur (vie sans espoir pour les uns, drogues pour d’autres, handicap mental, solitude etc.) et comique ou humour noir (l’empoignade avec le pasteur, ou bien la séquence déjantée chez l’embaumeur à 4h du matin, à chaque fois avec George et son faucon au poignet…).
George Gattling, un homme extrêmement banal, écrasé par le poids de sa vie terne et qui cherche une issue dans la domestication/asservissement de son faucon. Fasciné par ces oiseaux à la liberté farouche qui peuvent soit se laisser mourir de faim pour ne pas céder à leur dresseur et maître, soit accepter leur sort.
Comme le dit un personnage du roman, reprenant une idée chère à l’écrivain, « Tout ce qui est normal, c’est du pipeau. La normalité, c’est de la merde. » Heureusement ce roman n’est pas normal.
« Puis il souleva l’oiselle et la tint suspendue par ses pattes baguées, tête en bas. Elle tourna le cou, animée par une haine farouche et totale. Ca lui faisait chaud au cœur, parce qu’il savait pourquoi elle le haïssait, pourquoi il fallait qu’elle le haïsse, et parce qu’il savait aussi ce qu’il avait à faire pour changer cette haine, non en amour – un sentiment qu’il ne comprenait pas, de toute façon – mais en acceptation. Tout cela lui semblait juste et bien. Enthousiasmant. »
Harry Crews Le Faucon va mourir Folio - 283 pages –
Traduit de l’américain par Francis Kerline
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