Chuck Palahniuk : Survivant
09/07/2017
Charles Michael « Chuck » Palahniuk, né en 1962 dans l'État de Washington, est un romancier satirique américain et un journaliste indépendant. Après des études de journalisme qui ne lui permettent pas de vivre de ce métier, il devient mécanicien pendant 10 ans. Il écrit à cette époque Monstres Invisibles qui est refusé par les éditeurs en raison de son contenu trop provocant. Il entreprend alors l'écriture de Fight Club (1996) qui rencontre un succès certain ce qui lui vaut d’être porté à l'écran par David Fincher. Survivant, son second roman, date de 1999.
Tender Branson, le narrateur, a détourné un Boeing 747. Alors que l'avion est en pilotage automatique et qu’il ne reste plus que quelques heures de vol en kérosène avant qu'il ne s'écrase, il raconte sa vie dans l'enregistreur de vol avec l'espoir que la boîte noire gardera une trace de son récit expliquant ses motivations.
D’emblée l’écrivain fait dans l’originalité puisque le roman commence par la page 365 et le chapitre 47, la suite du récit avançant décrescendo en un compte à rebours particulièrement intrigant. Le lecteur va apprendre que Tender Branson est le dernier survivant d’une secte religieuse particulièrement stricte et aux mœurs douteuses qui à l’approche de l’apocalypse impose le suicide collectif à ses membres pour atteindre la Délivrance. La situation particulière du narrateur va l’entrainer dans une histoire rocambolesque : il va devenir une sorte de prêcheur à la portée internationale, encadré par un staff calculant ses moindres faits et gestes, poursuivi par le FBI qui le pense responsable d’un meurtre, retrouver un de ses frères qui n’est pas mort et croiser le chemin de Fertilité Hollis qui a le don de prescience de l’avenir. Un prêcheur associé à une personne qui voit l’avenir (surtout ses catastrophes), quelle fine équipe ! Ce sont les grandes lignes du scénario mais je vous laisse découvrir les détails – nombreux – qui en ponctuent le déroulement. Quant au dénouement, il n’est pas aussi clair qu’on pourrait le croire…
Le roman est bon mais déroutant à lire – c’est aussi son point fort. Le lecteur ne comprend pas toujours se qui se passe, le propos semble décousu parfois, cette sensation s’expliquant parfaitement par le récit à l’envers, choisi par l’écrivain et amplifié par son imagination débordante, sans négliger son style d’écriture très particulier. Des situations abracadabrantes, des personnages tous plus ou moins barjots, un parfum d’apocalypse et de secte, tous les ingrédients d’une recette qu’on croyait bien connue mais qui ici est savamment repensée par Chuck Palahniuk.
Comme il n’est pas de bon roman sans le petit quelque chose en plus derrière le scénario de base, l’écrivain se déchaine contre la société de consommation, le monde de l’image et du marketing (et ce bien avant l’arrivée de Facebook et Instagram), le poids des religions… Le narrateur pris dans ce tourbillon, obligé d’avouer « J’ai besoin d’être photographié (…) pour survivre, il faut que je sois constamment interviewé. Il faut que je retrouve mon habitat naturel, la télévision. » Et là, j’ai cru reconnaitre le regard sévère et pointu d’un T.C. Boyle sur notre civilisation ainsi que ses réflexions anticonformistes semées de-ci de-là dans le récit.
« Vous vous rendez compte que notre méfiance à l’égard du futur rend bien difficile l’abandon du passé. Nous ne pouvons pas abandonner le concept de celui que nous sommes. Tous ces adultes qui jouent aux archéologues lors des brocantes, à chercher des objets de l’enfance, des jeux de société, Candyland, Twister, ils sont terrifiés. Les objets de rebut deviennent des reliques domestiques. (…) Cette façon que nous avons de devenir nostalgiques pour ce que nous venons de jeter aux ordures, tout ça, c’est parce que nous avons peur d’évoluer. Grandir, changer, perdre du poids, se réinventer. S’adapter. »
Chuck Palahniuk Survivant Folio - 365 pages –
Traduit de l’américain par Freddy Michalski
Les commentaires sont fermés.