Isaac Babel : Contes d’Odessa
17/11/2017
Isaac Babel est un écrivain soviétique, né dans une famille de commerçants juifs d’Odessa, en 1894 et fusillé en 1940 à Moscou. En 1903 et 1905, Odessa connaît deux pogroms. Babel fréquente l’École de commerce d’Odessa, tout en étudiant parallèlement la religion juive. Il apprend ainsi à lire le yiddish et acquiert aussi une bonne maîtrise des langues étrangères, en particulier du français (Flaubert et Maupassant sont les auteurs qui le marqueront le plus et ils auront une influence très forte sur son style littéraire). Pendant deux ans, il se lance dans l'écriture, en français, avant de renoncer. Ses études achevées, il se rend à Kiev puis à Petrograd en 1915. Il y connaît une vie difficile et ses tentatives de se lancer dans la littérature sont autant d'échecs. A la fin 1916, il est remarqué par Maxime Gorki, qui publie ses premiers récits, mais qui lui conseille aussi d’abandonner quelque temps la littérature et de s’initier à la vie d’abord. Il soutient la révolution de Février 1917, puis la révolution d'Octobre, et s’engage dans l’Armée rouge en 1920. A partir de juillet 1927, il passe une quinzaine de mois en Europe occidentale, Berlin, puis en Belgique et en France. Dans les années 1930, il est pris à partie à plusieurs reprises, dans le contexte de l'instauration du « réalisme socialiste » et en septembre 1936 c'est le début des Grandes Purges. Beaucoup des connaissances de Babel sont arrêtées, exécutées ou disparaissent au Goulag. En avril 1939, Nikolaï Iejov, chef déchu du NKVD, le dénonce pour avoir dénigré Staline en privé. Arrêté, probablement torturé lors des huit mois de sa détention, Babel est condamné à mort et secrètement fusillé le 27 janvier 1940.
Son œuvre est interdite jusqu’à la réhabilitation de l’écrivain en 1954, au moment de la déstalinisation. Les manuscrits saisis lors de son arrestation n’ont jamais été retrouvés. Il nous reste des nouvelles et du théâtre, principalement. La présente édition réunit la majeure partie des récits écrits par Isaac Babel entre 1923 et 1937. Nous avons donc Les Contes d’Odessa (4 nouvelles), puis 21 textes regroupés dans le chapitre Nouvelles et enfin 2 autres sous le titre de Souvenirs.
Je ne tournerai pas autour du pot, je ressors déçu – globalement - de cette lecture. Le bouquin était noté dans mon carnet des livres à lire depuis de longues années et peut-être m’en étais-je fait une montagne inconsciemment ? Certes il y a de bons textes, certains tirés de la vie de l’écrivain et de ses expériences, tous en tout cas se réfèrent à des évènements réels. Les Contes d’Odessa, ce sont les quartiers mal famés de la ville avec ses truands et toutes les petites gens y vivant. C’est d’ailleurs le registre social de ces gens du peuple qu’explore ou fait vivre sous nos yeux Babel à travers toutes ses nouvelles. Babel enfant étudiant le Talmud, petit juif échappant à un pogrom, adultes truculents ou farfelus qui l’entourent, de jolis portraits ne manquant pas d’humour discret mais parfois une nouvelle sait être dure (« Le voyage »). Au moins ne sont-ils jamais larmoyants.
J’ai dit que j’avais été déçu, c’est particulièrement le cas avec la section Les Contes d’Odessa. Il n’est pas question de contester la qualité littéraire des écrits d’Isaac Babel, mais son style m’a dérouté. Trop. Ellipses, non-dits, j’ai peiné à lire comme si je me trouvais devant des scènes sorties d’un « grand tout » dont j’ignorais en quoi il consistait. Incompréhension, perplexité, obligation de recoller les morceaux ne m’ont pas laissé le loisir de m’attacher aux personnages et à leurs histoires.
Heureusement – pour moi – plus on se rapproche de la fin du recueil, meilleurs sont les nouvelles et pour l’écrivain comme pour le lecteur, c’est un plaisir de le voir recevoir les encouragements de Gorki « … pour un honnête homme, un littérateur honnête et un révolutionnaire, s’engager dans cette voie est un grand honneur ; accomplissez donc, monsieur, cette lourde tâche avec ma bénédiction… »
« J’étais un petit garçon menteur. Cela venait de mes lectures. Mon imagination était toujours surexcitée. Je lisais pendant les cours, aux récréations, le long du chemin en rentrant à la maison, je lisais la nuit, sous la table, caché par la nappe qui pendait jusqu’à terre. Quand j’étais plongé dans un livre, je laissais passer sans y prendre garde toutes les affaires importantes de ce monde, comme de faire l’école buissonnière pour courir au port, d’apprendre à jouer au billard dans les cafés de la rue Grecque, ou de nager à Langeron. Je n’avais pas de camarades. Qui aurait eu envie de se lier avec un garçon comme moi ? » [Dans le sous-sol]
Isaac Babel Contes d’Odessa L’Imaginaire Gallimard – 311 pages –
Traduit du russe par Adèle Bloch et Maya Minoustchine
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