Virginia Woolf : Rêves de femmes
16/02/2018
Virginia Woolf, pseudonyme d’Adeline Virginia Alexandra Stephen (1882-1941), est une femme de lettres anglaise, l'une des principales auteures modernistes du XXe siècle. Bisexuelle et féministe, elle fut une figure marquante de la société littéraire londonienne et un membre central du Bloomsbury Group, qui réunissait des écrivains, artistes et philosophes anglais, groupe au sein duquel elle rencontrera Vita Sackville-West avec qui elle aura une liaison durant toutes les années 1920. Woolf souffrait d'importants troubles mentaux et présentait tous les signes de ce qu'on nomme aujourd'hui, troubles bipolaires. En 1941, à l'âge de 59 ans, elle se suicida par noyade dans l'Ouse, dans le village de Rodmell (Sussex), où elle vivait avec son mari Leonard Woolf, écrivain lui aussi. Elle avait commencé l'écriture comme activité professionnelle en 1905 pour le supplément littéraire du Times et un premier roman en 1915.
Ce livre qui vient de paraître est un recueil de six nouvelles (Un Collège de jeunes filles vu de l’extérieur (1926) – Une Société (1920) – Dans le verger (1923) – Les Epingles de chez Slatter (1928) – Lappin et Lapinova (1939) – Le Legs (parution posthume en 1944)) précédées d’un essai (Les Femmes et le roman (1929).
Petit livre au vu de son nombre de pages, mais ô combien instructif et particulièrement bien composé. Le court essai, Les femmes et le roman, ouvre merveilleusement bien cet ouvrage et donne le ton des nouvelles qui suivent, tout en préfigurant un autre essai de l’auteure, plus développé, Une chambre à soi. Virginia Woolf s’interroge (et interpelle le lecteur) : pourquoi les femmes n’ont-elles pas écrit de manière soutenue avant le XVIIIe siècle ? Pourquoi ensuite ont-elles produit plusieurs classiques de la fiction anglaise avec Jane Austen, Emily et Charlotte Brontë, Georges Eliot ? Et pourquoi n’écrivent-elles que de la fiction ? Je vous laisse découvrir ses arguments, et de conclure sur cette prophétie « Pour peu qu’elles jouissent d’un peu d’argent et d’un peu de temps libre, les femmes se mêleront plus que par le passé de l’art d’écrire. Elles feront un usage plus abouti et plus subtil de l’instrument qu’est l’écriture. Leur technique gagnera en audace et en richesse. »
Les six nouvelles illustrent ces réflexions ou promeuvent l’émancipation de la femme et sa volonté d’autonomie, qu’elle soit sociale ou affective. Une Société, est un texte très amusant combattant la misogynie ambiante ; Dans le verger, rêverie d’une jeune fille, n’est pas sans évoquer un certain Marcel Proust avec ses références aux sens, images et sons. Lappin et Lapinova, aborde le thème du mariage, un sujet pesant pour Virginia Woolf…
Un excellent bouquin sur lequel se précipiteront les lecteurs qui ne connaissent pas la grande dame des Lettres, et que les autres (re)liront avec intérêt, comparant avec amusement la date de leur écriture et ce qu’il en est de nos jours.
« Depuis la nuit des temps nous admettons que les hommes sont tout aussi assidus à leur tâche que nous, et que leurs œuvres sont d’un mérite égal aux nôtres. Tandis que nous portons des enfants, eux-mêmes, supposons-nous, enfantent des livres et des tableaux. Nous, nous peuplons le monde. Eux, ils le civilisent. Mais aujourd’hui que nous savons lire, qu’est-ce qui nous empêche de juger sur pièces ? Avant de mettre au monde un seul enfant de plus, nous devons faire le serment d’apprendre à le connaître tel qu’il est ce monde. » [Une Société]
Virginia Woolf Rêves de femmes Folio – 138 pages –
Traduction Michèle Rivoire pour les nouvelles – Traduction Catherine Bernard pour l’essai
4 commentaires
En fait j'ai ces nouvelles à lire, dans un gros volume complet...
L’avantage de ce petit recueil, c’est qu’il regroupe quelques nouvelles sur le même thème et qu’il n’est pas intimidant pour quelqu’un qui serait effrayé par la notoriété de Woolf…
"qui a peur de virginia Woolf"? , quoi.
Disons que ça peut me pousser à les lire; même thème, c'est bien. J'en ai déjà lu, qui avaient Mrs Dalloway comme personnage, ça m'a aidé. petit à petit j'en viendrai à bout!
Mon commentaire ne s’adressait pas à vous directement mais visait plus largement, les gens qui lisent peu ou les jeunes… Je me doute bien que Woolf ne vous effraie pas !
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