Hari Kunzru : Larmes blanches
25/03/2018
Hari Mohan Nath Kunzru, né à Londres en 1969, est un écrivain et journaliste anglais. D'origine anglaise et indienne (Cachemire), Kunzru a grandi dans l'Essex. Il a fait ses études à Oxford et obtenu un Master of Arts en philosophie et littérature à l'Université de Warwick. Il a travaillé comme journaliste depuis 1998, écrivant pour des journaux tel que The Guardian et The Daily Telegraph. Il a été correspondant pour le magazine Time Out, et a travaillé comme présentateur TV, faisant des interviews pour une chaîne anglaise. Un premier roman en 2003 et Larmes blanches, son cinquième qui vient de paraître.
« Carter et Seth, âgés d’une vingtaine d’années, appartiennent a des mondes opposés. Le premier est l’héritier d’une grande fortune américaine, l’autre est sans le sou, introverti. Ils forment un tandem uni par une passion commune, la musique, qu’ils écoutent dans leur studio. Seth, obsédé par le son, enregistre par hasard un chanteur de blues inconnu dans Washington Square. Carter, enthousiasmé par la mélodie, l’envoie sur Internet, prétendant que c’est un disque de blues des années 20, un vinyle perdu depuis longtemps, œuvre d’un musicien obscur, Charlie Shaw. Lorsqu’un vieux collectionneur les contacte pour leur dire que leur faux musicien de blues a réellement existé, Seth accompagné par Leonie, la sœur de Carter, partent dans le Mississipi sur les traces de ce personnage. »
Il y a des bouquins qui vous vont droit au cœur dès les premières pages et dont vous savez quasi immédiatement que vous ne vous en séparerez jamais, pépites secrètes de votre bibliothèque. Larmes blanches est de ces livres.
Le début du roman m’a fait penser à un film (Blow Out de Brian de Palma avec John Travolta) et un autre roman (Haute Fidélité de Nick Horny) : Seth enregistre des sons dans les rues, au hasard de ses promenades et en réécoutant attentivement ses bandes, il va s’engager en terrain miné… Carter, lui, est un fou de blues, monomaniaque toujours en quête de disques rares (78 tours), hyper calé sur les références et les musiciens les plus obscurs. Rien que ce début m’a mis en transes pour des raisons personnelles (je suis moi aussi amoureux de blues et j’ai moi aussi connu à une époque ce genre de recherches mais à un niveau moindre néanmoins).
La suite du roman se complique nettement et risque de faire fuir certains lecteurs potentiels car s’il ne s’agit pas d’un roman classé « fantastique/surnaturel », il s’appuie pourtant sur un cas de possession, dans le sens psychiatrique du terme, avec une finalité de vengeance posthume. Bien entendu je ne m’étendrai pas sur ce point essentiel, au cœur de la forme narrative adoptée par l’auteur. Sachez quand même qu’elle offre surprises, mystères, incompréhensions intrigantes et toute la gamme de prise de tête pour le lecteur qui ne sait plus très bien où il est (à New York ou dans le Mississipi), ni à quelle époque (aujourd’hui ou dans les années 20)… Etourdissant quand on aime ce genre, saoulant quand on n’adhère pas. Pour ce qui est du fond du roman, Hari Kunzru traite de la culture Noire pillée par les Blancs et donc du racisme.
Si j’ai adoré ce roman, je comprendrais très bien qu’il ne fasse pas l’unanimité.
« L’histoire que m’a racontée le vieux collectionneur était si étrange que, si je l’avais entendue en toute autre circonstance, je l’aurais écartée, pensant qu’il l’avait inventée. Et pourtant elle avait une force – la force de la vérité, dirais-je, mais cela serait trop simple. Ce n’est pas que je l’ai crue, mais elle semblait venir d’au-delà de la croyance. Quelque chose s’était agrippé à Carter et à moi, une vrille du passé, et si nous ne la détachions pas de nous, nous serions entrainés dans la mort et le silence. »
Hari Kunzru Larmes blanches JC Lattès - 372 pages –
Traduit de l’anglais par Marie-Hélène Dumas
« J’ai choisi ce qui était la fierté et la joie de Carter, le Victor 38535, Canned Heat Blues de Tommy Johnson enregistré à Memphis en 1928. » (p.125)
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