Christian Garcin : Les Oiseaux morts de l’Amérique
03/04/2018
Christian Garcin est né en 1959 à Marseille. Jusqu'au début des années 2000 il a exercé diverses activités professionnelles, comme guide-interprète, accompagnateur de voyages ou enseignant de lettres au collège. Un premier ouvrage en 1992, son œuvre se réparti entre recueils de nouvelles, de poèmes, d'essais sur la peinture et la littérature, de carnets de voyages, de quelques ouvrages en littérature jeunesse et une grosse dizaine de romans comme Les Oiseaux morts de l’Amérique qui vient de paraître.
A Las Vegas, loin de son univers pailleté et clinquant, des hommes vivent de rien dans les tunnels des canaux des égouts de la ville. Parmi eux, trois vétérans de l’armée. Hoyt Stapleton, le plus âgé, septuagénaire, a fait le Vietnam, taciturne il parle peu à ses deux plus jeunes compagnons, Matthew McMulligan et Steven Myers, qui eux ont fait l’Irak. Et tous ont en commun les séquelles du choc post-traumatique causé par la guerre. Pour échapper à sa condition, Hoyt a une recette, il voyage dans le temps…
De prime abord, le début du roman évoque l’univers de Philip K. Dick. Mondes parallèles, paradoxe de Fermi, théories prise de tête… Hoyt voyage dans le temps, il a vu le futur et c’est tellement horrible que désormais il préfère explorer les temps anciens. Stop ! Fausse piste ! Et c’est toute l’inventivité de Christian Garcin qu’il faut louer, car sous couvert de soit disant voyages dans le futur ou le passé, genre machine à explorer le temps, la métaphore cache un travail de réflexion sur la mémoire.
Raconté comme de vraies expéditions dans le passé, Hoyt revient chez lui à l’époque où il était enfant au début des années ‘50, se regarde agir, épie sa mère et revit des évènements de ses jeunes années. Ces visions l’amènent à s’interroger, ses souvenirs sont-ils le reflet de ce qui s’est réellement passé ou, ce passé qu’il revisite est-il le vrai ou bien celui que sa mémoire veut lui faire croire ? Lentement des vérités qu’il croyait avérées vont se diluer pour devenir autres. Enfin, ses « voyages » vont finalement le transporter jusqu’à ses années Vietnam, et là l’écrivain réussit quelques pages d’une intensité dramatique particulièrement dure qui vont faire exploser les digues de la mémoire de Hoyt, une révélation terrible qui le laissera pantelant mais rasséréné.
Un bien beau roman, où le calme du vieil homme est très bien servi par l’écriture bienveillante et mélancolique de l’écrivain. Le lecteur qui ne peut que se prendre d’amitié pour Hoyt, le suit avec une curiosité mêlée d’inquiétude, appréciant au passage les références littéraires et poétiques distillées au gré des lectures du héros.
« C’était le début de mai. Depuis un mois Hoyt se bornait à visiter le printemps 1950 et avait cessé toute incursion dans le futur. Il y était allé si souvent. Et où qu’il se rendît, quels que soient le siècle ou l’année, c’était toujours la même désolation : catastrophes écologiques, humanitaires, nucléaires, populations déportées, parquées, guerres technologiques incessantes, violences urbaines, renforcement des lois sécuritaires, paysages dévastés, zones urbaines saccagées, inégalités toujours plus criantes, crispations des identités, obscurantisme religieux (…). Il ne voulait plus voir ça. »
Christian Garcin Les Oiseaux morts de l’Amérique Actes Sud – 216 pages –
2 commentaires
Ha je l'ai démarré, attirée par le côté voyages, puis j'ai cru y voir une histoire comme d'autres, mais je sens que je pourrais donner une seconde chance au roman?
Je m’étonnais de ne pas le voir chroniqué sur votre blog… et encore plus que ce roman ne vous ai pas emballée immédiatement. Bien sûr qu’il faut lui redonner une chance ! D’autant qu’il n’est pas long et donc rapide à lire.
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