Cormac McCarthy : Des villes dans la plaine
03/05/2018
Cormac McCarthy est un écrivain américain né en 1933 à Providence (Rhode Island). Après ses études, il rejoint en 1953 l'armée de l'air américaine pour quatre ans, dont deux passés en Alaska, où il anime une émission de radio. En 1957, il reprend ses études à l'université, se marie avec la première de ses deux femmes en 1961 et a un fils. Il quitte l'université sans aller jusqu'au diplôme, et s'installe avec sa famille à Chicago, où il écrit son premier roman. Aujourd’hui Cormac McCarthy vit au nord de Santa Fe (Nouveau-Mexique) dans une relative discrétion et accorde très rarement des interviews.
Auteur d’une dizaine de romans dont La Route (2006), Des villes dans la plaine (1998) est le dernier volet d'une trilogie informelle nommée La Trilogie de la frontière, qui comprend également De si jolis chevaux et Le Grand Passage.
Nouveau Mexique au début des années 50. John Grady et Billy Parham sont cow-boys dans un petit ranch qui risque de disparaitre, menacé d’expropriation par l’armée. Pour les loisirs, le Mexique proche propose tout ce qu’on peut s’offrir contre quelques billets. Quand John Grady va tomber amoureux d’une jeune prostituée épileptique de seize ans, il enclenchera le décompte de son destin et celui de son « presque frère » Billy…
Si le fil rouge de ce roman peut se résumer en cette idée folle, arracher de son bordel de Juarez, une jeune prostituée ne parlant pas l’anglais pour la ramener aux Etats-Unis et l’épouser, le bouquin est autrement plus ambitieux que ce vague/banal scénario de western.
D’abord il y a l’écriture de McCarthy, ses ellipses et ses non-dits renforcés par le caractère « taiseux » de ses personnages, des cow-boys donc des hommes qui agissent et qui parlent peu. On notera l’absence des tirets pour indiquer les dialogues. A cette écriture particulière, s’ajoute curieusement, une avalanche de « et » qui surprennent le lecteur attentif à ce genre de détail (« Il entra au Florida et commanda un whisky et le but et paya et ressortit. ») Par contre, contrairement à tant d’autres romans où foisonnent les anglicismes, ici ce sont les « espagnolicismes » qui envahissent le texte ; il est vrai que Cormac McCarthy parle couramment cette langue, mais enfin… Un fil rouge donc, mais très fin car largement haché de digressions sur la vie de ces hommes dans une estancia où il est fort logiquement beaucoup question de chevaux par exemple et de nature.
Pourtant, ce qui frappe le plus à la lecture de ce livre, c’est la mélancolie qui s’en dégage ; une musique triste qui nous accompagne d’un bout à l’autre car, inutile de tourner autour du pot, chacun sait et même ses héros, que l’histoire finira mal. Epilogue en deux parties puisque nous avons deux personnages, John et Billy. Pour le premier, une sorte de corrida finale en forme de chorégraphie sanglante et dramatique, pour l’autre une fin de vie plus longue mais pas moins difficile peut-être avec quelques pages philosophiques sur le sens de la vie et le destin.
Un roman magnifique et extrêmement touchant avec des personnages inoubliables et ce sentiment qu’un temps ancien disparaît. Je n’attendais pas moins de ce grand écrivain.
« Je ne regrette pas d’avoir à arracher une dent avec des pinces à ferrer et rien que de l’eau de puits glacée pour calmer la douleur. Mais je regrette la vie que j’ai connue dans les ranchs dans le temps. J’ai fait la piste quatre fois. Les meilleurs souvenirs de ma vie. Les meilleurs. Vivre dehors. Voir du pays. Y a rien de plus beau. Rien ne le sera jamais. Etre assis autour d’un feu le soir avec le troupeau qui dort bien tranquille sur la prairie et pas un souffle de vent. Boire un peu de café. Ecouter les vieux gardians raconter leurs histoires. De belles histoires, je t’assure. Te rouler une cigarette. Faire un somme. Jamais je n’ai dormi comme ça. Jamais. »
Cormac McCarthy Des villes dans la plaine Editions de l’Olivier – 314 pages –
Traduit de l’américain par François Hirsch et Patricia Schaeffer
3 commentaires
Je n'avais pas trop aimé La route, cependant je pourrais tenter d'autres thèmes?
Vous n’aviez pas aimé « La Route » ? Mince… Avec « Des villes dans la plaine » c’est le quatrième livre de l’écrivain que je chronique sur ce blog et ils sont tous (très) bons pour moi ; je n’en ai donc pas terminé avec cet auteur. Retentez votre chance avec celui-ci ou un autre, vous ne pouvez pas passer à côté de cet écrivain.
Hé non, une sorte d'incohérence m'avait turlupinée...
Les cow boys pourraient me plaire plus.
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