John Burnside : Les Empreintes du diable
24/05/2018
John Burnside est né en 1955 à Dunfermline, en Ecosse, où il vit actuellement. Il a étudié au collège des Arts et Technologies de Cambridge. Membre honoraire de l’Université de Dundee, il enseigne aujourd’hui la littérature à l’université de Saint Andrews. Poète reconnu, il est aussi l’auteur de romans et de nouvelles. Son roman, Les Empreintes du diable, date de 2008.
Selon une vieille légende écossaise, une nuit d'hiver, le diable a traversé le village de pêcheurs de Coldhaven en laissant la trace de ses pas dans la neige des rues. C’est dans cette bourgade que Michael, le narrateur, a toujours vécu tout en s'y sentant étranger. Quand Moira, une de ses anciennes petites amies, décide que son mari violent est le diable et qu'elle se tue avec ses deux jeunes enfants en épargnant son aînée Hazel, Michael, troublé par l’évènement mais aussi curieux et fasciné par la jeune fille rescapée, se laisse entraîner dans un voyage avec elle…
Tout ce qui précède n’est que convention pour dresser le décor d’une histoire qui se révèle être une quête : Michael va se chercher, se redécouvrir par ce voyage bien actuel, tout autant si ce n’est plus encore, par son travail de mémoire sur ce lourd passé qui l’a fait tel qu’il est aujourd’hui. Un roman fait d’allers et retours entre présent et passé, tout en sensations et ambiances légèrement mystérieuses, voire morbides, car la mort est une présence constante ici.
D’emblée Michael nous l’apprend, « j’étais l’individu qui avait tué son frère, quand j’avais treize ans et lui quinze, qui l’avait tué et abandonné sur place à la putréfaction », le frère de Moira dont il deviendra ensuite le petit ami… bonjour l’ambiance ! Et dans d’autres registres, des morts il y en a encore : la mère du narrateur écrasée par un poivrot du village, le frère de sa mère tué à l’étranger alors qu’il était avec son futur mari…
Une enfance difficile, souffre-douleur du gamin qu’il finira par éliminer, des parents avec lesquels il a des rapports pas très simples, un village qui considère la famille comme des étrangers, bref un environnement qui incite au repli sur soi, à l’introspection et peut-être aux fantasmes existentiels. Nous avons tous en nous une « histoire » intime pas obligatoirement importante mais qu’on garde cachée ; et cette histoire, consciemment ou non, s’attelle à la vie que l’on mène, en parallèle. Cette double vie en somme, pèse pour Michael et l’on ressent sa grande solitude. Sa quête va l’amener à se séparer de l’une d’elles pour n’être plus que lui, réellement. Après avoir mis au jour des secrets de famille et s’être « réconcilier » avec son père décédé.
Pour que la narration tienne il fallait que le héros ne soit pas véritablement sympathique, disons qu’il est du genre agaçant. Ce n’est pas un adepte des conversations entre quat’zyeux pour percer l’abcès ! Au contraire, il laisse mariner les situations, se laisse porter par le flot. L’écriture fait beaucoup dans la réussite de ce roman, en particulier son rythme régulier, continu, à l’effet hypnotique qui ne peut que fasciner le lecteur.
J’ai découvert John Burnside récemment, d’où ces deux livres lus presque coup sur coup, et je vous préviens que vous n’avez pas fini d’en entendre parler ici…
« Moira Birni avait drogué ses deux fils avant de les conduire dans un chemin tranquille, près d’un site touristique, puis elle avait mis le feu à sa voiture, enfermée à l’intérieur avec ses deux garçons. Apparemment, personne ne savait pourquoi elle avait fait une chose pareille, mais les autorités en place n’avaient aucun doute sur sa culpabilité. L’unique question qui occupait tous les esprits était la suivante : comment une femme, une mère, avait-elle pu commettre un tel acte ? Et pourquoi n’avait-elle tué que ses fils et non sa fille de quatorze ans, abandonnée au beau milieu des champs, seule et terrorisée ? »
John Burnside Les Empreintes du diable Editions Métailié – 218 pages –
Traduit de l’anglais (Ecosse) par Catherine Richard
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