Emily Ruskovich : Idaho
18/06/2018
Emily Ruskovich a grandi dans les montagnes du nord de l’Idaho et elle enseigne l'écriture créative à l'Université du Colorado à Denver. Idaho, son premier roman, vient de paraître.
Idaho au mois d’août 1995. Wade, Jenny et leurs deux petites filles, June et May, ramassent du bois dans une clairière de montagne. L’instant délicieux devient drame atroce quand Jenny tue d’un coup de machette sa fille May et que June s’enfuit, disparaissant à jamais. Plusieurs années plus tard, Wade s’est remarié avec Ann et ils vivent modestement dans un chalet proche des lieux tragiques. Jenny purge sa peine en prison, June s’est volatilisée et Ann va tenter de comprendre ce qui s’est passé exactement lors de cet été meurtrier.
Je n’ai pas aimé ce roman, pas aimé du tout ! Mais comme je souhaite toujours que les choses soient claires pour vous qui me lirez, il est fort possible que ce soit là un très grand livre, j’y vois même la patte d’une écrivaine de talent, cela est certain. Il n’empêche que j’ai eu toutes les peines du monde à en terminer la lecture.
Que les âmes sensibles soient immédiatement rassurées, l’infanticide n’est pas décrit avec précision, il est même expédié d’une ligne en une quasi ellipse, même s’il restera l’acte fort et dramatique sous-tendant tout le reste du bouquin.
Le roman est d’accès difficile, les chapitres nous baladent d’époque en époque sans chronologie, entre 1995 et 2025. Le récit est entièrement basé sur la psychologie de ses acteurs, les souvenirs réels ou inventés pour reconstruire un passé mystérieux. Car d’un côté nous avons Wade, le père effondré, qui lentement devient amnésique et peut-être dément, sujet à des actes violents et ponctuels envers sa nouvelle épouse et dont il se repent immédiatement, de l’autre, Ann qui cherche à savoir ce qui s’est passé dans la clairière, comme une mission qu’elle s’impose, « Elle a pris le passé de Wade et l’a étalé devant elle, faisant de son propre avenir un retour en arrière, alors que ce passé disparaît ». Retours en arrière, liens entre les personnages qui se dessinent lentement quand on avance dans le texte, double personnalité quand Ann s’introduit mentalement dans les faits et gestes de Jenny, tels qu’elle les imagine… On est parfois à la limite du surnaturel quand il semble que leurs esprits entrent en résonnance. C’est très compliqué à suivre, du moins est-ce mon ressenti.
L’écriture d’Emily Ruskovich est très douce, jouant sur le mystère de l’acte qui ne sera jamais élucidé. Le rythme est lent, l’ambiance lourde ou pesante de non-dits, d’ellipses ou de révélations reportées. Le roman m’a paru extrêmement long à lire, m’obligeant à de fréquentes pauses pour tenter de comprendre ce que je lisais. Bref, épuisant.
Un roman plein d’amour autant que de peines et de souffrances, où les absents pèsent plus que les présents et où les vivants tentent de réanimer les morts pour se libérer d’un fardeau trop lourd à porter.
Je ne suis pas entré du tout dans ce livre (franchement atypique dans le catalogue de cet éditeur) mais il n’y a aucune raison que ce soit le cas pour vous… ?
« Allongée dans leur lit, elle fixait le mur. Il s’est étendu derrière elle et, dès qu’il l’a touchée, elle a senti le changement dans le corps de Wade. Il était redevenu lui-même. – Je ne m’en suis pas rendu compte, a-t-il dit. Une sensation de soulagement a fusé en elle, et elle a dû fermer les yeux pour la contenir à l’intérieur d’elle-même. Tout son corps en tremblait. Voilà qu’elle pleurait de nouveau. Il l’a enlacée. – Je suis terriblement désolé. Quand elle a entendu qu’il pleurait, lui aussi, elle s’est tournée vers lui. Elle a caressé son visage, tendrement, promenant un doigt le long de sa joue et en travers de son front, comme elle l’aurait fait avec un enfant. – Ce n’est pas grave, a-t-elle dit en souriant à travers ses larmes. »
Emily Ruskovich Idaho Gallmeister – 358 pages –
Traduit de l’américain par Simon Baril
4 commentaires
Il m'attend sur une étagère avec une très grande envie de le lire, décuplée par cet article très argumenté et très intéressant.
Comme tu l’as compris en me lisant, je n’ai pas aimé le bouquin mais je suis certain que ce n‘est pas un navet, juste que lui et moi nous n’avons pas « matché ». Je suis d’autant plus certain qu’il a des qualités que j’ai lu ce livre et écrit ce billet il y a déjà une dizaine de jours et qu’en le publiant aujourd’hui, les souvenirs de lecture qui me reviennent sont des « sensations » plutôt agréables… Peut-être devrais-je le relire ?
Depuis quelque temps je sélectionne mes lectures Gallmeister, parfois on retrouve les mêmes thèmes qui me déplaisent (moi je veux de la nature, de la vraie)
Ce n’est pas la nature qui prime ici, bien que le roman se déroule en pleine cambrousse montagneuse… Quant à Gallmeister, il est vrai que mon enthousiasme des débuts a faibli…
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