Laure Dominique Agniel : Alexandra David-Neel
25/06/2018
Partie à Beyrouth à 20 ans pour y être professeur de français tout en poursuivant ses études de littérature à l’Ecole des Lettres, Laure Dominique Agniel obtient sa Maîtrise de Lettres à l'université de Nanterre. Après un stage à la rédaction des journaux Le Monde et Le Point, elle entre à Radio France et participe à la création des premières radios locales, France bleu Mayenne et France bleu Vaucluse. Suivrons d’autres expériences à la radio ou pour la télévision. Journaliste et aujourd’hui documentariste, Laure Dominique Agniel a suivi la trace de l’exploratrice pour réaliser une série documentaire sur Alexandra David-Neel pour France Culture. Alexandra David-Neel, biographie de l’exploratrice vient de paraître.
Je ne suis pas grand amateur de biographies en général, soit c’est trop léger, soit le plus souvent c’est trop pointu et disons-le un peu « chiant » à lire. Alors pourquoi cette exception pour Alexandra David-Neel (née à Saint-Mandé en 1868 et morte à Digne en 1969) ? Principalement parce que je l’ai beaucoup lue il y a fort longtemps, dans les années 80-90, et que j’ai toujours conservé un souvenir admiratif pour cette petite bonne femme. Et ce bouquin conforte mon admiration. Autre intérêt, une fois le livre refermé, il n’entre dans aucune des deux raisons négatives évoquées précédemment : cette biographie se lit comme un roman, l’écriture est légère, le texte simple, bref, en réalité un roman d’aventures et de voyages.
Je connaissais donc bien, par ses livres, les voyages et explorations d’Alexandra David-Neel à travers l’Asie : Inde, Japon, Corée, Chine mais principalement Tibet (premier voyage en 1914 et première femme européenne à séjourner à Lhassa en 1924), un peu moins sa vie avant ou du moins n’en n’avais-je pas garder souvenir. Ce livre est là pour nous le rappeler par son sous-titre, elle fut une exploratrice certes mais aussi une féministe de la première heure, animée d’une volonté farouche d’indépendance (« L’obéissance c’est la mort ! »). Après une enfance difficile, rejetée par sa mère qui désirait un garçon pour en faire un évêque ( !), peu écoutée par son père trop occupé, elle se passionnera rapidement pour les philosophies orientales, en particulier le bouddhisme, dont elle deviendra une experte internationale usant de ses moyens pour le faire connaître à travers le monde, ce qui lui vaudra la reconnaissance du Dalaï Lama. Je ne m’attarde pas sur ses extraordinaires voyages (qu’elle finance elle-même), ses livres sont là pour en rendre compte, disons qu’il est hallucinant (sic !) de voir comment une femme, à l’orée du XXème siècle, a pu se lancer dans de tels périples et toujours s’en tirer à bon compte. Certainement la littérature de voyages la plus extraordinaire qu’il m’ait été de lire.
Sa vie personnelle ne manque pas non plus d’originalité : elle a été une cantatrice renommée, franc-maçonne (et à l’origine de la première loge mixte de France), mariée contre toute attente avec Philippe Néel (en 1904 à Tunis) leur vie commune sera tumultueuse mais surtout très courte physiquement parlant, puisqu’elle sera toujours en vadrouille à l’autre bout du monde sans lui, seule leur correspondance maintiendra un lien d’affection et d’admiration entre eux (« le meilleur des maris et son seul ami »), jusqu’au bout (Philippe Néel décèdera en 1941).
Cette biographie ne cache pas les contradictions de cette femme, anarchiste dans l’âme elle aime être servie par des domestiques zélés, tentée par une vie d’ermite elle ne peut se passer néanmoins d’un bain quotidien, indépendante elle acceptera de se plier aux volontés de Lachen le lama magicien pour profiter de son enseignement du bouddhisme, nomade elle reste attachée à ses affaires, ses livres et ses malles…
Alexandra David-Neel décèdera centenaire, ses cendres seront immergées dans les eaux du Gange en février 1973 avec celles de Yongdeng, son fils adoptif qui participa à ses nombreux voyages.
J’arrête là, il y aurait trop à dire – la preuve on a fait un bouquin de sa vie. Alors qui lira cette biographie ? Tous ceux qui ont lu ses livres, car c’est une bonne occasion pour y revenir en un court résumé et ceux qui n’ont jamais lu Alexandra David-Neel se rueront sur ce bouquin car il est captivant et incite fortement à plonger dans son œuvre littéraire.
« Quand elle rentre pendant les vacances dans la maison de ses parents, elle retrouve sa mère taciturne, plongée dans son tricot près de la lampe à pétrole, son père dans la bibliothèque. Le silence est pesant entre ces deux adultes qui n’échangent aucun mot, aucun geste. L’adolescente se réfugie dans les livres, et particulièrement dans la lecture des romans de Jules Verne. « Leurs héros peuplaient de leurs exploits mes rêveries enfantines : Phileas Fogg, Passe-Partout, les enfants du capitaine Grant, le capitaine Hatteras et d’autres m’étaient devenus compagnons familiers. Ma résolution était prise… Comme eux, et mieux encore si possible, je voyagerais ! »
Laure Dominique Agniel Alexandra David-Neel Exploratrice et féministe Tallandier – 263 pages –
4 commentaires
Récemment est paru Sur les pays d'ADN, mais avant de le lire je préférerais lire les écrits de la dame elle même.
A propos de femmes se lançant dans des explorations incroyables au début du 20 ème siècle, on reste admiratif.
Priorité aux livres d’Alexandra David-Neel c’est évident et j’incite tout le monde à s’y précipiter ! Les biographies ou autres écrits sur la dame restent secondaires même s’ils ont leur intérêt…
Un grand merci pour votre article et votre intérêt pour mon texte!
Mais c’est moi qui vous remercie ! Votre livre est très bien et il a ranimé mes excellents souvenirs de lecture… J’espère que votre ouvrage aura du succès et qu’au-delà, il incitera vos lecteurs à ouvrir les bouquins d’Alexandra David-Neel, de vraies merveilles.
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