Tom Robbins : Une bien étrange attraction
28/06/2018
Thomas Eugene Robbins, né en 1932 en Caroline du Nord, est un écrivain américain. Tom Robbins a étudié le journalisme en 1954 à l'Université de Lexington en Virginie, mais n'a pas obtenu de diplôme. Engagé dans l'armée de l'air, il a servi pendant la guerre de Corée durant cinq ans et à son retour à la vie civile, il étudie l'art au Richmond Professional Institute de Richmond, Virginie. Après avoir obtenu son diplôme, il déménage sur la côte ouest, où il devient journaliste pour le Seattle Times. Il habite depuis de nombreuses années dans l'Etat de Washington. Une bien étrange attraction, son premier roman datant de 1971, vient d’être réédité dans une collection de poche.
Dans la région de Seattle. Amanda, dix-neuf ans et fille-mère, est voyante dans le Cirque Indo-tibétain & le Gypsy Blues band du Panda géant. John Paul Ziller, artiste multiformes et magicien, c’est son nouveau compagnon. Tous deux décident d’ouvrir un commerce d’un genre particulier : un zoo faisant aussi office de stand de hot-dogs, en bord d’autoroute, « Un zoo de bord de route sans animaux. A l’exception de deux couleuvres et d’une mouche tsé-tsé même pas vivante. » Vivant avec eux, presque membre de la famille, un babouin nommé « Mon Cul ». Tout ceci n’est rien encore, car vont les rejoindre, Max Marvelous le narrateur et Plucky Purcell qui après avoir « infiltré un ordre secret de moines catholiques activistes au service du Vatican », va revenir de son escapade européenne avec pas moins que le cadavre momifié du Christ, découvert dans une cave secrète du Vatican, qu’il planque dans le congélateur du zoo. Bien entendu la CIA et le FBI sont de la partie…
Vous qui n’avez pas lu ce roman, vous vous demandez comment tous ces éléments peuvent être reliés entre eux ? Moi qui sors de cette lecture, je ne sais pas vraiment comment l’auteur a fait, mais il l’a fait ! Il est donc évident pour tout le monde que nous avons-là un roman complètement barjot – comme tous ceux de Tom Robbins -, une aventure sans queue ni tête et complètement saugrenue. Un bouquin écrit sous l’influence de « l’Infinie Loufoquerie » à moins que ce ne soit le fruit d’un esprit dérangé par quelque psychotrope dont l’usage était courant durant les années 60.
Le texte, dans la forme, mêle l’esprit hippie de l’époque, sexualité libérée, quête spirituelle du sens de la vie, rapprochement avec la nature. L’écriture souple et véloce allie les phrases à rallonges et les comparaisons douteuses, les digressions à n’en plus finir ou les adresses de l’auteur au lecteur ; un délire verbal où chaque page étonne, chaque phrase surprend.
Pourtant, derrière ce maelstrom (que certains trouveront soulant), Tom Robbins fait preuve de culture en tout genres et soulève quelques questions intéressantes (sur l’état du monde, déjà !) voire provocatrices, en particulier ici, sur la religion et le christianisme (S’il y a corps du Christ momifié, c’est qu’il n’y a pas eu de résurrection et tout l’édifice du christianisme s’effondre… et notre civilisation avec !).
Encore un roman qui peut ne pas plaire à tout le monde et c’est compréhensible, mais moi j’ai adoré cette époustouflante épopée délirante qui deviendra la marque de fabrique de cet écrivain hors normes.
« Oh et puis, ça va. Je ne vais pas m’excuser. Il y a des atrocités littéraires, soit (est-ce que je serai jugé et pendu à une sorte de futur procès de Nuremberg pour écrivains ?), mais je suis content que ce soit à moi et non pas à quelque super-journaliste avec quatre-vingt millions de mots à son compteur qu’échoie la tâche de décrire l’Apocalypse (je tremble rien que de penser qu’Une bien étrange attraction aurait pu s’appeler Le Jour où le Christ est revenu). Et je jubile également que cette tâche me soit échue plutôt qu’à un exégète de la Bible ou même à un de nos jeunes romanciers, car bien que chacun d’entre eux aurait pu s’atteler à cette tâche avec des compétences et des idées qui dépassent mes capacités, ils auraient été, je le crains fort, tellement abasourdis par la présence de Notre Seigneur mort et couvert de plâtre qu’ils en aurait négligé la jeune femme ; la jeune femme : Amanda. »
Tom Robbins Une bien étrange attraction Gallmeister Totem – 429 pages –
Traduit de l’américain par François Happe
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