Miguel Bonnefoy : Sucre noir
19/07/2018
Miguel Bonnefoy, né en 1986 à Paris, est un écrivain français mais il a grandi au Venezuela et au Portugal. Cinq livres à son actif, un roman et des nouvelles, Sucre noir son dernier roman date de 2017.
Dans un village des Caraïbes. Il y a trois cents ans, Henry Morgan (1635-1688) célèbre flibustier ayant souvent goûté à la piraterie aurait disparu avec son navire dans les parages et avec lui, son colossal trésor issu de pillages. Depuis, les chercheurs d’or se succèdent mais en vain. Ezequiel Otero puis sa fille Serena, elle-même suivie d’Eva Fuego son enfant, seront intimement liés à cette quête qui s’avèrera tragique.
Un premier bon point pour l’écrivain, il réussi à construire une réelle aventure s’étirant sur trois générations en tout juste deux cents pages. Certains devraient en prendre de la graine. Pourtant il y avait matière à allonger la sauce mais nous aurions eu droit à un roman classique d’aventures dans les îles, riche en rebondissements, bagarres, sueurs et sang, cœurs brisés et tutti quanti. Miguel Bonnefoy est très fort, il a mis tout cela dans son bouquin mais en mode condensé, en privilégiant l’angle psychologique plus que l’action.
Nous verrons donc comment Ezequiel et Candelaria Otero, une famille de pauvres producteurs de canne à sucre transmettra son maigre bien à sa fille Serena qui le fera suivre à Eva Fuego, sa fille adoptive, laquelle fera prospérer au-delà du possible ce petit patrimoine, au point de devenir le pôle économique de la région avec son commerce du rhum. Une saga familiale qui accompagne aussi l’évolution du monde et de la région, arrivée de nouvelles technologies et découverte d’un gisement de pétrole qui dynamise l’économie locale. Voilà pour les décors et le contexte.
Quant aux acteurs, si l’aventure débute avec le père Otero et quelques hommes de passage avides de trésors, ce sont les femmes qui se disputent les rôles principaux. Serena n’aura jamais le goût de l’or, elle, ne cherche que le grand amour, celui qui l’éveillera à la vie et lui fera connaitre les extases artistiques. Eva Fuego, femme de caractère, gérera l’héritage d’une poigne de fer au point d’en faire une entreprise moderne, elle veut le pouvoir et l’argent. Elle le veut tant que le hasard lui offrira le trésor du pirate mais au prix de sa vie.
Un roman à la tonalité pessimiste puisque aucune quête ne donnera le bonheur escompté. La soif de l’or sera fatale à tous ceux qui s’y abreuveront et même Serena, partie avec ce qu’elle croyait être l’amour, devra en rabattre et revenir au pays, seule. En somme, un conte philosophique.
Un bouquin charmant et délicat qui doit tout à l’écriture de Miguel Bonnefoy : fine, légère et délicieusement rythmée, concise ou le grand art pour tant dire en si peu de pages. Avec des astuces narratives subtiles comme ces évènements qui se répètent à l’identique à plusieurs années d’écart et avec des personnages différents.
« Ne sachant comment réagir, il parla de son destin, de sa passion, rappelant qu’il était un chercheur d’or et que, comme tout chercheur d’or, il ne serait un homme que lorsqu’il aurait sorti un trésor du fond de la terre. Serena le fixa longtemps, sans ciller, et lui répondit avec une sagesse orgueilleuse qui n’était pas de son âge : - Imbécile. Tu seras un homme quand tu sortiras un trésor du fond de mes yeux. »
Miguel Bonnefoy Sucre noir Rivages – 207 pages -
2 commentaires
J’avais beaucoup aimé les décors de ce roman à l’allure de fable. Je m’étais moins intéressée aux personnages peu réalistes et que j’ai donc oubliés
C’est étrange, moi les décors ne m’ont pas marqué particulièrement. Quant à la crédibilité, je vous l’accorde bien volontiers, mais comme il s’agit d’une fable ou d’un conte philosophique servi par une très belle écriture, ça passe comme une lettre à la poste !
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