Patti Smith : Dévotion
09/11/2018
Patricia Lee Smith dite Patti Smith, née en 1946 à Chicago, est une chanteuse et musicienne de rock, poète, peintre et photographe américaine. Son père, ancien danseur de claquettes, est employé de bureau dans une usine et sa mère, qui a abandonné une carrière de chanteuse de jazz pour élever ses quatre enfants, est serveuse dans un restaurant. A l'adolescence, Patti se détache de l’éducation très religieuse que sa mère, Témoin de Jéhovah, lui a donnée. Entrée à l'Ecole normale pour devenir institutrice, à 18 ans elle est radiée (suite à une grossesse) et doit travailler. Pendant la première partie des années 1970, Patti Smith pratique intensément la peinture, l'écriture, et se produit en tant qu'actrice au sein du groupe de poètes St Mark's Poetry Project. Les petits boulots alimentaires s’enchainent, les rencontres amoureuses ou non aussi et de fil en aiguille, elle écrit des paroles de chansons (pour Blue Öyster Cult), des articles pour la presse rock (Creem, Rolling Stone) et finalement sort un premier album coup de tonnerre, Horses, en 1975.
Dévotion, son nouvel ouvrage vient de paraître. Un tout petit livre mais bien difficile à commenter, aussi commençons par le plus simple, l’objet : trois textes agrémentés de nombreuses photos en noir&blanc, souvent prises par l’auteur. Deux des textes, « Esprit, mode d’emploi » et « Un rêve n’est pas un rêve » s’apparentent à un journal, à des réflexions ou des sensations jetées sur le papier, c’est Patti Smith qui s’exprime et se livre ; au milieu, pris en sandwich, « Dévotion » qui donne son nom au bouquin, est une nouvelle, une fiction de soixante-dix pages, dont l’héroïne est une jeune fille qui consacre sa vie à sa passion, le patinage à glace, un texte sombre et tragique, emprunt de poésie ou Rimbaud n’est pas bien loin, comme toujours chez la dame.
Fiction ou non, tout s’enchaine avec une certaine logique, celle voulue par Patti Smith pour étayer son propos : qu’est-ce qui nous pousse, nous écrivains, à écrire ? Quel mystérieux processus nous amène à remplir de mots nos cahiers ou carnets ?
Dans « Esprit, mode d’emploi », nous suivrons donc l’américaine venue en France promouvoir son ouvrage, dans le Paris mythique cher à nos amis étrangers, Saint-Germain-des-Prés, le Café de Flore, le Quartier Latin etc. sur les traces d’illustres plumes disparues depuis longtemps ou non (Modiano). Ce n’est pas moi qui lui jetterai la pierre, à New York j’ai foncé voir le Chelsea Hotel… Mais c’est par l’évocation admirative de Simone Weil (la philosophe, 1909-1943) que Patti Smith fera le lien avec « Dévotion ». Le dernier texte, la voit se rendre à Lourmarin (Vaucluse) à l’invitation de la fille d’Albert Camus, dans la maison de l’écrivain cher au cœur de l’auteur, où elle peut feuilleter avec mille précautions, le manuscrit original du « Premier Homme », sombrant dans une joie presque mystique, « prête à embrasser ces précieux moments ».
Patti Smith ne répond pas directement aux questions soulevées par son ouvrage, mais à la lire on en déduit que son talent créatif en passe d’abord par un long processus de captation de sensations, d’émotions, de petits faits découlant d’associations d’idées, avant d’aboutir à une transsubstantiation, où cette récolte d’informations parfois hétéroclites, devient mots et phrases sur une feuille vierge.
Un bien joli bouquin, mais qui néanmoins s’adresse à un public ayant un à priori favorable…
« Pourquoi est-on poussé à écrire ? Pour se mettre à part, à l’abri, se plonger dans la solitude, en dépit des demandes d’autrui. Virginia Woolf avait sa chambre. Proust, ses fenêtres aux volets tirés. Marguerite Duras, sa maison silencieuse. Dylan Thomas, sa modeste cabane. Tous cherchant un vide pour s’imprégner de mots. Les mots qui pénétreront un territoire vierge, inventeront des combinaisons inédites, exprimeront l’infini. Les mots qui ont formé Lolita, L’Amant, Notre-Dame-des-Fleurs. Des tas de carnets témoignent d’années d’efforts avortés, d’euphorie découragée, de planchers arpentés sans répit. »
Patti Smith Dévotion Gallimard – 137 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Richard
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