John Dos Passos : Aventures d’un jeune homme
08/07/2019
John Roderigo Dos Passos, né en 1896 à Chicago et mort en 1970 à Baltimore, est un écrivain et un peintre américain. Proche des libertaires pendant l'affaire Sacco et Vanzetti, il développe des sympathies communistes dans les années 1920 et 1930, mais change de camp après qu'un de ses meilleurs amis soit exécuté par les staliniens pendant les journées de mai 1937 à Barcelone lors de la Guerre civile espagnole. Son œuvre compte quarante-deux romans, des poèmes, des essais, des pièces de théâtre et plus de quatre cents œuvres d'art. On retiendra surtout de lui Manhattan Transfer et sa trilogie U.S.A., livres écrits dans les années 1920 et 1930, période où il est au sommet de sa gloire littéraire. Aventures d’un jeune homme, roman datant de 1939, vient d’être réédité.
Le bouquin narre les aventures politico-amoureuses de Glenn Spotswood, un jeune Américain idéaliste sous le mandat présidentiel de Roosevelt (1933-1945). Aventures amoureuses si on veut, ce sont plutôt les élans naïfs du puceau au contact de femmes entrant dans sa sphère d’occupations par la bande, s’entichant par exemple de Gladys, une artiste écervelée et communiste en couple avec Boris – ce qui nous donne une étude de mœurs sur ce milieu à l’époque.
Par contre, aventures politiques, oui, et John Dos Passos lâche les chiens, élaborant son ouvrage à partir de sa propre expérience et de ses idées. Glenn, le gamin, s’investira de plus en plus en politique, persuadé dès le plus jeune âge que le monde doit changer « Mais il était décidé à se carapater et à vivre comme un ouvrier, il voulait faire partie des masses, prendre une part active à la révolte qui aboutirait à l’établissement d’un monde meilleur. (…) Il voulait travailler honnêtement, travailler dur comme un ouvrier, vivre, manger, dormir comme un ouvrier. » Glenn abandonne à moitié ses études et part trimer à droite et à gauche, fait des rencontres pas toujours avantageuses et commence à fréquenter les milieux « subversifs ». Défense des mineurs ou des travailleurs Mexicains qui lui vaudront des tabassages en règle, fantasmes sur la vie en Union Soviétique malgré les échos négatifs d’un ami en revenant. Pour résumer, il n’est question que de capitalisme/communisme/prolétariat/classes laborieuses etc.
Même si Glenn reste fidèle à ses idées, les déceptions s’enchaînent quand il constate l’évolution de ses amis. Il finira par s’enrôler dans la Guerre d’Espagne : « La guerre d'Espagne (1936-1939) opposa d'une part le camp des républicains, orienté à gauche et à l'extrême gauche, composé de loyalistes à l'égard du gouvernement légalement établi de la IIe République, de communistes, de trotskystes et de révolutionnaires anarchistes, et d'autre part les nationalistes, le camp des rebelles putschistes orientés à droite et à l'extrême droite mené par le général Franco. Cette guerre se termina par la victoire des nationalistes qui établiront une dictature qui dura 36 ans, jusqu'à la transition démocratique qui n'intervint qu'à la suite de la mort de Franco. » [Wikipédia] Mais là, plus encore, la déception atteindra son comble, le pur et dur Glenn sera à deux doigts de se faire fusiller par ses propres « amis » politiques, un pion trop naïf au milieu des combines tactiques et politiques, entre fascisme et Moscou. Cette pause ne sera que temporaire, notre jeune homme mourra au combat – victime consentante, expiatoire.
A relire mon billet, je trouve tout cela très beau mais pour être totalement franc avec vous, j’ai trouvé le roman trop manichéen, trop long et donc ennuyeux parfois. Et puis il y a ce « problème » : comment apprécier à sa juste mesure, un roman politique et social écrit en 1939 et qu’on ne lit qu’aujourd’hui ? Certes, le thème est intemporel mais la « lutte finâââle » n’en finit plus et lasse un peu.
« Il s’était donné tout ce mal pour terminer ses études, rien que parce que tous ceux qui appartiennent à la soi-disant bourgeoisie ne trouvent rien de mieux à faire. Et pendant tout ce temps-là, il n’avait eu qu’une chose entête, courir le pays et vivre exactement de la même manière que les ouvriers. La classe des bourgeois désargentés était fichue et bien fichue. Ce n’est que parmi les classes laborieuses que l’on trouve des gens capables de réaliser des choses valables, désormais. Ce qui était important, c’était le nouvel ordre social et c’était bien la classe ouvrière qui lui avait donné naissance. (…) Il avait pris la décision d’envoyer sa vie privée à tous les diables, une fois pour toutes. Il ne voulait plus vivre que pour la classe ouvrière. Voilà une chose qui en valait la peine. »
John Dos Passos Aventures d’un jeune homme L’Imaginaire Gallimard – 444 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Mathilde Camhi
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