Philip Roth : Patrimoine
03/02/2020
Philip Milton Roth (1933-2018), est un écrivain américain, auteur d'un recueil de nouvelles et de 26 romans, dont plusieurs ont fait l'objet d'adaptations cinématographiques. Patrimoine, paru en 1992, et sous-titré Une histoire vraie, n’est pas un roman mais un récit autobiographique relatant les derniers mois de vie du père de Philip Roth.
Herman Roth, veuf et âgé de quatre-vingt-six ans, bien qu’aveugle d’un œil est en parfaite santé jusqu’à ce qu’une paralysie faciale lui déformant le visage entraine des examens mettant en évidence la présence d’une tumeur au cerveau qui finira par s’avérer fatale. C’est ce laps de temps de quelques mois que l’écrivain nous invite à partager.
Le récit alterne passé et présent au gré des discussions entre le père et le fils. Le présent, ce sont les examens et avis des spécialistes, l’éventuelle opération comportant de nombreux risques certains pour un avantage pas vraiment assuré. Inquiétude, moments de calme, le père et le fils, chacun à leur manière réagissent différemment. Le passé ce sont les souvenirs du père qui remontent à sa mémoire, l’époque où il était agent d’assurance à Newark, sa femme décédée, ses enfants dont Philip, ses copains juifs et leurs commerces, la ville qui a changé etc. Mais ce sont aussi les souvenirs du fils sur ces mêmes sujets.
Toute la beauté de ce livre – car il est magnifique – tient dans l’universalité du propos. Si le bouquin parle d’Herman et Philip, tous les lecteurs se sentiront concernés surtout si comme moi, ils ont un certain âge… pouvant alors se glisser aisément dans la peau des deux protagonistes à la fois. Le fils qui accompagne les derniers instants de son père ; et ce père qu’on voit vieillir avec tous les travers liés à l’âge : l’irritabilité et l’entêtement, les souvenirs ressassés, le corps qui lâche prise au grand désespoir de l’esprit encore vaillant etc.
L’écriture est précise et détaillée et si le sujet est dramatique, l’écrivain ne verse pas dans le sentimentalisme pleurnichard. On y trouvera même une pointe d’humour, ne serait-ce que dans le titre du livre, « patrimoine », qu’on croit évident au vu du sujet, mais qui cache une astuce bien dans l’esprit de l’auteur.
Un livre extrêmement touchant et émouvant, tout d’infinie tristesse et d’amour où l’œuvre de mémoire est primordiale, « « Je dois tout me rappeler avec précision, me disais-je, tout me rappeler avec précision pour, le jour où il ne sera plus, pouvoir recréer le père qui m’a créé. » On ne doit rien oublier. »
« Après je ne pus rien faire d’autre que suivre son brancard jusque dans la chambre où on l’installa, et m’asseoir à son chevet. Mourir est un travail, et c’était un travailleur. Mourir est quelque chose d’horrible, et mon père était en train de mourir. Je lui pris la main qui, elle au moins, donnait encore l’impression d’être sa main ; je lui caressai le front qui lui, au moins, donnait encore l’impression d’être son front ; et je lui dis toutes sortes de choses qu’il n’était plus en mesure de comprendre. Heureusement, il n’y avait dans ce que je lui dis au cours de cette matinée rien qu’il ne sût déjà. »
Philip Roth Patrimoine Une histoire vraie Folio – 252 pages –
Traduit de l’américain par Patrick Gador et Maurice Rambaud
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