André Dhôtel : Les Mystères de Charlieu-sur-Bar
12/03/2020
André Dhôtel, né en 1900 à Attigny (Ardennes) et mort en 1991 à Paris, est un écrivain français, à la fois romancier, conteur, poète et scénariste. Connu du grand public par le roman Le Pays où l'on n'arrive jamais, prix Femina 1955, il est l'auteur d'une œuvre abondante comptant une quarantaine de romans, des nouvelles, des poèmes et des essais. Les Mystères de Charlieu-sur-Bar est un roman de 1962.
Charlieu-sur-Bar est un petit bourg des Ardennes, entouré de bois et de marais dangereux. Un beau matin un voleur dérobe une statuette en or qui orne la salle des mariages de la mairie. Tout le monde se souvient alors qu'une jeune fille, Mathilde Porin, qui s'est perdue il y a deux ans dans les marais, ressemblait à la statuette. Dans le village, la question n’est plus « qui a volé l'objet ? » mais « qui a tué Mathilde ? » Les rumeurs vont bon train, les suspicions aussi…
Si ce roman paraissait aujourd’hui, il pourrait se glisser dans la catégorie des « thrillers » tant il est inquiétant et mystérieux, comme le laisse prévoir son titre. Ce vol incompréhensible – car nous sommes dans un bled, à une époque où le simple fait d’aller dans le village voisin relevait de l’expédition à l’étranger – libère des ressentiments et des accusations gratuites (le terreau des futurs Réseaux Sociaux !). D’un côté il ya les notables, Mr Armand le maire, Onégan l’antiquaire et Janrèze le notaire qui cherchent à trouver un voleur vite fait pour étouffer l’affaire ; de l’autre, nous avons Alain, un gosse qui vient de quitter l’école, apprenti-couvreur, flemmard et qui vient de s’accuser lui-même du vol, ce qui faciliterait le boulot du maire, car une bêtise de gamin ce ne serait rien….
Sauf que l’affaire va se compliquer grave. Le garde-champêtre a cru voir ou entendre des choses étranges, de petits vols sont commis, les notables reviennent sur leur attrait trouble pour Mathilde et puis il y a Félix Borne, un éleveur de chiens qui rôde dans le marais, lui aussi semblait très attiré par Mathilde, sans parler d’Yvonne une autre gamine, sœur de Mathilde…. Les notables de leur côté et Alain du sien mènent l’enquête, dans des décors de marais embrumés, de village de nuit (« Entre les étoiles c’était une paix immense, et entre les maisons une menace qui semblait énorme »), d’ombres louches dans les rues qui ricanent, de soi-disant réapparition du fantôme de Mathilde… brrr !
Le roman peut se découper en trois parties, la première et la plus longue, n’est que mystères. Pour vous donner une vague idée, je m’adresse aux cinéphiles, il y a des airs des Disparus de Saint-Agil (film de Christian Jacques, 1938), du Corbeau (Henri-Georges Clouzot, 1943) ou même de Garde à vue (Claude Miller, 1981). Cette partie est carrément sensationnelle.
Hélas, il y a la suite, la seconde partie, quelques dizaines de pages qui enclenchent le processus d’explications et de dénouement. Là, ça devient franchement laborieux, long et compliqué, voire peu crédible ou niais, avec révélations d’ordre familial. Alain découvrira le pot-aux-rose, et les trois pages finales, terminent le roman de manière honorable, sans plus.
Un bon roman se doit d’avoir une bonne entame pour inciter le lecteur à poursuivre, et une bonne fin pour qu’il en garde un bon souvenir. Ici nous n’avons qu’une seule de ces règles… et c’est vraiment dommage. Zut !
« Il n’y a qu’une chose : certaines nuits les volailles de Goldonet font un terrible tintamarre. Cela les prend tout d’un coup et rien ne les arrête. On ne sait pas de quoi il s’agit. D’ailleurs, il ne faut pas en parler. Il ne faut pas… Il ya toujours au fond des temps, comme il arrive en n’importe quel lieu, des évènements dont on n’a pas idée, des journées qui ont pu être bizarres et n’ont laissé aucune trace, parce qu’on aura oublié tel ou tel détail, parce qu’on aura eu le bon sens d’oublier pour tâcher de certifier que cette sacrée vie est une vie positive avec des douleurs et des satisfactions, mais rien d’autre, vous m’entendez, rien d’autre… Oubliée cette journée, dont personne n’a jamais parlé d’ailleurs… »
André Dhôtel Les Mystères de Charlieu-sur-Bar Gallimard – 233 pages -
2 commentaires
Je ne l'ai pas lu celui-ci d'André Dhôtel, écrivain oublié, hélas, de nos jours.
Bon dimanche.
Sachant qu’il a écrit une quarantaine de romans, c’est tout à fait compréhensible… !
Les commentaires sont fermés.