Gaston Leroux : Le Fauteuil hanté
20/04/2020
Gaston Leroux (1868-1927) est un romancier français. Gaston-Alfred-Louis Leroux grandit en Normandie et après avoir obtenu le baccalauréat de lettres au lycée de Caen, il s'installe à Paris en octobre 1886 où il s'inscrit à la faculté de droit. Devenu avocat en 1890, il exerce cette profession jusqu'en 1893. Pour arrondir ses fins de mois, il écrit des comptes rendus de procès pour le journal L'Écho de Paris. A partir de 1901, devenu grand reporter, il effectue de nombreux voyages en France et à l'étranger, notamment en Espagne et au Maroc.
Il est surtout connu pour ses romans policiers empreints de fantastique. Son personnage Joseph Rouletabille, jeune apprenti reporter à l'intelligence déductive hors du commun, apparaît pour la première fois dans Le Mystère de la chambre jaune (1907), puis devient le héros d'autres romans tels que Le Parfum de la dame en noir (1908), deux classiques qu’il est impératif d’avoir lus. Le Fauteuil hanté, roman de 1909, ne s’inscrit pas dans le cycle des Rouletabille.
Suite au décès de Monseigneur d'Abbeville, académicien, deux candidats successifs désignés pour occuper le fauteuil meurent dans des conditions identiques lors du discours d'hommage à leur prédécesseur. Hippolyte Patard, le secrétaire perpétuel se désespère car plus personne ne veut de ce fauteuil maudit ! Jusqu’à ce que Gaspard Lalouette, « marchand de bric-à-brac et de tableaux », se présente. Hippolyte Patard et Gaspard Lalouette, deux types pas plus courageux que la moyenne vont tenter de démêler les fils de cette étrange intrigue, à leurs risques et périls.
Hu ! Hu ! Hu ! Que tout cela est bien rigolo !
Ma foi, voilà un petit roman policier bien sympathique. Certes, il est un peu daté mais pas autant qu’on pourrait le craindre. Cette réserve mise de côté tout en donnant le ton du roman, Gaston Leroux écrit fort bien et son délicieux petit bouquin fait gentiment frémir le lecteur. Pour y parvenir l’écrivain introduit des personnages louches et suspects potentiels : Eliphas de Saint-Elme de Taillebourg de la Nox (glups !) une sorte de sorcier maléfique selon la rumeur, un joueur d’orgue de Barbarie qui rôde la nuit avec sa musique qui tuerait à distance ( ?) et ce bien étrange Loustalot, un savant mondialement connu qui vit reclus en grande banlieue avec un géant et deux clébards féroces et pour ajouter une touche d’exotisme, il serait question du secret de Toth, une égyptiennerie qui fait toujours frémir. Pour faire monter la pression, Gaston Leroux termine ses chapitres par une phrase glaçante incitant à poursuivre, la sueur au front « … les murs de la maison résonnèrent d’une clameur affreuse. La nuit retentit désespérément d’un grand cri déchirant humain… »
D’un côté l’angoisse, de l’autre l’humour et la dérision, l’écrivain sait y faire. Pour l’humour, Gaston ne lésine pas sur les formules simples mais efficaces, « Après le premier étage, on se mit à monter au second. Là, on s’arrêta, car il n’y avait pas de troisième étage. » Moi, ça me fait pouffer de rire ! Quant à la dérision, plus intéressante encore, c’est la moquerie perpétuelle envers l’Académie française et ses académiciens dont l’auteur se gausse dès qu’il en a la possibilité.
Amusant, cocasse ou épatant comme on disait jadis, en tout cas je me suis bien amusé durant cette courte lecture.
« La Babette hurla : « On l’assassine !... Au secours !... » Et elle bondit vers l’âtre, y saisit un tisonnier et se rua hors de la cuisine, traversant la voûte, escaladant les degrés qui conduisaient au premier étage. M. Hippolyte Patard avait murmuré : « Mon Dieu !... » Et il était resté là, brisé par l’horreur de la situation, cependant que dans la rue la ritournelle maudite, l’air banal, historique et terrible prolongeait tranquillement son rythme complice de quelque nouveau forfait… musique du diable qui avait toujours empêché d’entendre les cris de ceux que l’on égorge… et qui arrivait maintenant toute seule, couvrant tout autre bruit, jusqu’aux oreilles bourdonnantes de M. Hippolyte Patard… jusqu’à son cœur glacé. Il put croire qu’il allait s’évanouir. »
Gaston Leroux Le Fauteuil hanté Le Livre de Poche – 190 pages –
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