Jules Renard : Le Vigneron dans sa vigne
24/04/2020
Pierre-Jules Renard, dit Jules Renard (1864-1910), est un écrivain et auteur dramatique français. Romancier, poète, membre de l'Académie Goncourt, c’est une figure singulière du milieu littéraire au tournant des XIXe et XXe siècles. Jules est reçu bachelier ès lettres en 1883 au lycée Charlemagne à Paris, mais il abandonne le projet de se présenter au concours de l'Ecole normale supérieure, préférant fréquenter les cafés littéraires, les théâtres et certains milieux du journalisme. Il est l’auteur, par exemple, de L’Ecornifleur (1892), Poil de carotte (1894) ainsi que de son Journal (1887-1910) qui ne paraîtra qu’après sa mort, entre 1925 et 1927.
Le Vigneron dans sa vigne (1894) est un recueil de nouvelles découpé en quatre parties : Nouvelles du pays, Honorine, Tablettes d’Eloi et Le Vigneron dans sa vigne. Ce recueil a connu plusieurs versions, La Pléiade en donne la dernière qui reporte certains textes dans d’autres recueils.
Dans Nouvelles du pays, si le texte ne le dit pas implicitement, on peut raisonnablement penser qu’il s’agit de l’écrivain qui habite Paris mais revient de temps en temps dans sa petite ville près de Chitry dans la Nièvre. Il y retrouve les gens du coin, comme les Philippe des paysans qui le tienne informé de ce qui se passe ici, sur leur vie qui évolue (« - Les fermiers deviennent donc meilleurs ! – Non, mais les domestiques deviennent plus effrontés. Ils demandent. ») ; il assiste à la mort du cochon, un classique de la vie paysanne ; croise un petit Bohémien etc. Honorine est à lui seul un très court chapitre, très émouvant, contant la fin d’une vieille femme du village.
Ces deux parties, dans le même registre, ont en commun de dépeindre la vie des campagnes par un homme connu, vivant dans la capitale. Il y a une certaine distanciation entre lui et ces gens, aucun mépris certes, mais (et sans exagérer non plus l’impression ressentie) cet écart de classe qui laisse chacun à sa place, comme un notable qui renoue avec le peuple.
Tablettes d’Eloi est plus étrange car complètement différent de ce que l’on vient de lire. Nous sommes sur les bords de la Méditerranée, Nice, Marseille… l’écriture est très proche de celle de son Journal, des petites phrases incisives énonçant des faits sans suite, pas toujours aimables comme lors d’un séjour dans un hôtel de Saint-Raphaël où il note « Quand je mets mes bottines à la porte, les lumières sont éteintes. Loin de se disputer l’honneur de me servir, les garçons se couchent. » L’écrivain reste néanmoins lucide sur sa propre condition « - Mon petit monsieur, voulez-vous que je vous dise ? Au fond vous n’aimez personne. – Je m’aime. »
La dernière partie, Le Vigneron dans sa vigne, est une suite de textes minuscules, certains de moins d’une page, construits comme des blagues avec une chute finale qui en fait tout le sel.
Pour conclure, difficile d’avoir un jugement global, les deux premiers chapitres sont très bien et le reste balance entre le très moyennement intéressant et le trop court. Le tout écrit dans le style de Jules Renard et qui peut déconcerter : une écriture un peu sèche, abrupte, parfois journalistique et très habile pour croquer des portraits ou lâcher des aphorismes, sur un ton relativement peu amène. Bref, un gars qui devait avoir un caractère bien à lui !
« - Peut-être que les besoins augmentent avec l’aisance, et peut-être que tout compté, Philippe, on n’est pas plus heureux aujourd’hui qu’autrefois. – On le croirait, car des tapées de jeunes quittent le pays et vont à Paris où ils espèrent vivre grassement. Avec de la chance, ils réussissent. Mais ceux qui restent doivent montrer, aujourd’hui comme hier, les qualités de l’âne. S’ils sont sobres et laborieux, ils peuvent faire leur vie et se mettre de côté, pour les vieux jours, du pain sec. – C’est maigre. – On ne meurt pas de faim, dit Philippe. – On en meurt moins vite. Ne pensez-vous pas, Philippe, que le mal vient de ce que les uns ont trop et les autres trop peu ? – Il faut bien qu’il y ait des riches. »
Jules Renard Le Vigneron dans sa vigne Gallimard La Pléiade Œuvres tome 1 – 83 pages –
4 commentaires
(vous avez un stock de pleiades à la maison? ^_^)
De lui je n'ai que son journal, ou une partie, jamais lu d'ailleurs
Je possède une cinquantaine de Pléiades ! Des cadeaux de Noël ou de petits plaisirs que je m’offre de temps en temps. C’est un investissement très rentable, dans tous les sens du terme : l’objet est magnifique (format et matières nobles) et si le prix semble important, n’oublions pas que chaque volume contient plusieurs romans et un appareil critique énorme, de plus, à la revente ces livres se vendent très bien et à bon prix !
Pour en revenir à Jules Renard, son meilleur est dans son Journal. Un bouquin qui a l’avantage de pouvoir être lu en piochant au hasard la chance : bons mots, rosseries, en font une lecture égayante.
Ces volumes demeurent bien ouverts en cours de lecture, aussi. Mais j'hésite à les emporter dans un sac. J'en possède 4 ^_^
Ce ne sont pas des livres qui se transportent, c’est vrai. Mais cette collection est la Rolls de l’édition !
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