Robert Louis Stevenson : La Chaussée des Merry Men
29/05/2020
Robert Louis Stevenson, né en 1850 à Edimbourg et mort en 1894 à Vailima (Samoa), est un écrivain écossais et un grand voyageur, célèbre pour ses romans L'Île au trésor (1883), L'Etrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886) et pour son récit Voyage avec un âne dans les Cévennes (1879), tous incontournables et vivement recommandés ! La Chaussée des Merry Men est une nouvelle parue en 1882.
Charles, le narrateur, est en visite chez son oncle Gordon, sur l’île d’Aros en Ecosse, un bout de terre désertique battu par les vents et piège à navires à cause des Merry Men, de terribles brisants. Il est venu avec un projet d’importance, retrouver l’épave de l’Esperito Santo et son potentiel trésor englouti. Le navire faisait partie de l’Invincible Armada, nom de la flotte d'invasion armée espagnole à destination de l'Angleterre en 1588, mise en déroute par une mer déchainée. Si Charles trouve l’or espéré, il pourra épouser Mary Ellen, fille de Gordon. La bicoque de l’oncle a changé depuis sa dernière visite, meublée d’objets de valeurs, récupérés de l’échouage récent d’un bateau ; mais plus encore, son parent semble rongé par un secret terrifiant et sa nièce, troublée, n’en veut rien dire…
Certes ce n’est qu’une nouvelle mais elle possède un potentiel romanesque assez riche. Il y a une chasse au trésor et du mystère proche du fantastique, autant dire qu’on ne s’ennuie pas une seule seconde. Dès que Charles débarque sur l’île, Rorie, le serviteur de son oncle venu le chercher en barque surveille d’un œil inquiet un gros poisson qui les escorte et son oncle déclarera d’un ton maussade « Un poisson ! Balivernes ! C’est un esprit ! » Les évènements troublants vont s’enchainer, le caractère de Gordon s’est dégradé, le bigot est devenu blasphémateur, une tombe fraiche laisse entendre qu’elle contiendrait - peut-être - le corps d’un marin assassiné par l’oncle dans le but de s’emparer des richesses d’une épave ?
Ajoutez à cela, la magnifique description par Stevenson, de la nature en furie, la tempête qui se lève, les vents brutaux, la mer en folie, un brick au large condamné par avance au naufrage, un de plus… A ce point, le lecteur s’éponge le front humide des embruns. Tempête qui va amplifier la démence de Gordon, portée à son paroxysme quand surgit sur la grève un grand Noir, seul rescapé du brick que tous ont vu couler. Le fantastique est à son comble, l’homme paraissant revenu d’entre les morts n’est-il pas la conscience coupable de l’oncle destinée à le châtier ?
La nouvelle s’achève dans une folle cavalcade tragique pleine de bruit et de fureur, comme on les aime ! Excellent.
« Voilà donc qu’au tout dernier moment, sous l’effet du courant, se produisit une commotion soudaine qui comme une vague, remua les algues jusqu’au tréfonds. D’une main, je lâchai prise, je me trouvai projeté sur le flanc de tout mon long, et, comme je cherchais, par instinct, un nouvel objet à quoi m’agripper, mes doigts se refermèrent sur quelque chose de dur et de froid. Je crois que je devinai sur le moment ce dont il s’agissait. Tout au moins, je lâchai aussitôt les algues, je bondis vers la surface, et, en un instant, je me hissai sur les rochers accueillants avec, à la main, un tibia humain. »
Robert Louis Stevenson La Chaussée des Merry Men Gallimard La Pléiade Œuvres tome 2 – 55 pages –
Traduction par Mathieu Duplay
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