Sue Burke : Semiosis
01/06/2020
Sue Burke, née en 1955 à Milwaukee (Wisconsin), a travaillé comme journaliste et éditrice pour de nombreux journaux et magazines. Longtemps installée à Madrid elle vit désormais à Chicago. Semiosis, est son premier roman.
En 2065. La Terre est devenue invivable, un groupe d’une cinquantaine de colons envoyés dans l’espace à la recherche d’une planète où tout recommencer atterrit sur Pax. La gravité est importante mais les conditions de vie paraissent satisfaisantes même si les dangers sont nombreux, les pertes en vies humaines conséquentes et les surprises qui les attendent innombrables… Le récit va s’étaler sur une centaine d’années où nous suivrons plusieurs générations d’humains décidés à reconstruire un environnement autre que celui abandonné sur leur ancienne planète.
Pour évacuer immédiatement le sens du titre de ce roman et vous fournir quelques indications sur son contenu profond, la sémiologie est une science qui étudie la vie des signes (langues, codes, signalisations etc.) au sein de la vie sociale.
Le plus étonnant pour nos colons et le lecteur, ce sont la faune et la flore de cette planète, et là il faut saluer l’inventivité de Sue Burke. Pour la faune, citons par exemple, de dangereux aigles vivant en bandes et qui font rôtir leurs proies avant de les manger, les fippochats (une variante du chat que je vous laisse découvrir) etc. Quant à la flore – point essentiel dans ce roman – c’est une extrapolation bien venue des idées et découvertes concernant le monde végétal qui circulent actuellement un peu partout : la communication entre les arbres et les plantes, leurs extraordinaires pouvoirs de lutte contre les nuisibles ou maladies, leurs liens donnant/donnant avec la faune… Ici, les premiers colons devront affronter les lianes blanches, puis plus tard le bambou qui s’avèrera un élément/personnage central du bouquin.
Les colons vont s’apercevoir que le bambou est le véritable maître de la planète, grâce à son réseau racinaire qui s’étend pour ainsi dire à l’infini et par sa capacité à réguler à travers ses racines des flux chimiques modifiables à volonté, il peut dialoguer ou forcer les autres plantes à lui obéir ; de là à en faire autant avec les humains par le biais de ses fruits, il n’y avait qu’un pas que l’auteure franchit hardiment. Les hommes et le bambou après de multiples événements vont finir par dialoguer, nommer la plante Stevland et en faire au final l’un des co-leaders de leur groupe. Et il faudra toute la science et les pouvoirs de ce végétal pacifiste pour résister à l’attaque des Verriers - ancien peuple mi-insecte/mi-humain de la planète ayant perdu ses connaissances technologiques avancées - décidés à exterminer les colons.
Telles sont les grandes lignes de ce roman où les événements dramatiques et plus surprenants les uns que les autres s’enchaînent à un bon rythme car si l’extérieur est plein de danger, tous les colons ne vivent pas en harmonie absolue et leur mode de vie a bien évolué au fil des décennies… de plus on notera que les femmes (humaines ou pas) tiennent la majorité des rôles importants.
Le roman est très documenté, l’auteure ne lésine pas sur les détails touchant la nouvelle organisation sociale des humains, le mode de vie des animaux et de la végétation, les moyens de communication des uns et des autres entre eux puis avec les espèces opposées, d’où le titre du livre.
Conclusion en deux temps : Oui c’est un bon roman mais ne tombons pas non plus dans un excès d’enthousiasme. Le point fort c’est son inventivité comme je l’ai déjà dit et ses rebondissements, la surprise ou l’étonnement surgissant à chaque ligne. Mais il y a aussi quelques petites longueurs, des points pas très clairs ou inexpliqués. Ca, se sont les remarques objectives.
Reste l’angle subjectif qui fera qu’on aime ou pas le livre : Sue Burke surfe sur les idées à la mode ou dans l’air du temps, le péril écologique sur Terre et le rêve à la Elon Musk, notre connaissance plus précise de la vie secrète des plantes, le tout plaidant pour un message de paix et de fraternité, laquelle inclut bêtes et plantes. Difficile de critiquer un bouquin qui glorifie des vertus positives.
« A présent, je porte des fruits qui plaisent aux étrangers et les gardent en bonne santé – un équilibre complexe entre le plaisir et l’utilité. Ils me donnent de l’eau et des nutriments, dressés comme des fippochats par les lianes blanches, mais ils sont bien plus forts que des fippochats car, comme les premiers étrangers, ils font des plantes et des animaux leurs serviteurs. Par exemple, les tulipes recherchent la domestication, leur intelligence infime les pousse à se soumettre ; je les ai encouragées ainsi que d’autres à servir les étrangers, et j’ai protégé leurs cultures de plantes concurrentes. »
Sue Burke Semiosis Albin Michel – 435 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Florence Bury
4 commentaires
Quelques longueurs, oui, surtout la fin, j'ai un peu survolé la bataille. Mais on sent qu'il y aura une suite, en tout cas il me semble.
Avec ce genre d’histoire sans fin, une suite (ou plus encore) est tout à fait possible... et c’est le cas, avec son nouveau roman (Interference) paru en octobre et non encore traduit ! Mais je ne pense pas m’y intéresser à priori… ?
Interference est noté 'semiosis duology'!
Wikipedia : "She has written the science fiction novel Semiosis, and its sequel, Interference (2019)"
Les commentaires sont fermés.