Kent Haruf : Le Chant des plaines
29/09/2020
Kent Haruf (1943 – 2014) est un écrivain américain. Fils d'un pasteur méthodiste et d'une enseignante, il étudie à la Nebraska Weslayan University où il obtient son diplôme. Avant de commencer à publier ses œuvres, il exerce différents métiers : agriculteur dans un élevage de poulets, ouvrier, bibliothécaire, enseignant dans un corps de paix en Turquie, puis enseignant à l'université. Son œuvre est très mince, quatre romans dont celui-ci, Le Chant des plaines, son premier ouvrage, datant de 1999.
Holt, une toute petite ville du Colorado et décor habituel des romans de l’écrivain. Victoria, dix-sept ans, enceinte, chassée par sa mère de leur maison trouve refuge dans un premier temps chez Maggie Jones, une enseignante de son lycée. Tom Guthrie, lui aussi enseignant dans ce lycée, vit seul avec ses deux gamins, Ike et Bobby, depuis que sa femme dépressive s’est éloignée pour faire une pause. Et puis il y a les deux vieux (pas ceux du Muppet Show !), Harold et Raymond McPheron, frangins, célibataires, taiseux, fermiers à l’écart de la ville chez qui tout le monde finira par trouver un réconfort imprévu.
Un de ces romans dont un résumé basique ne dit rien de son contenu. Ici aucun rebondissements spectaculaires, ni finale grandiose, même le cours du récit suit un rythme tranquille et c’est très logique, car nous partageons la vie de gens très simples, presque anonymes. Des gens qui doivent vivre avec des problèmes de tous les jours, une gamine qui se retrouve enceinte et seule, un père avec deux garçonnets dont leur mère s’est éloignée pour retrouver ses esprits avant de revenir, peut-être ?
Il y a des braves gens, tous ceux cités dans le résumé et puis bien entendu il y a ces connards habituels qui savent pourrir nos vies. J’écris « nos vies », car si le roman se déroule aux Etats-Unis, les acteurs sont universels. Il y a donc, le petit coq qui a séduit Victoria, et puis un crétin de cancre qui va pourrir l’air de Tom et faire souffrir Ike et Bobby lors d’une séquence qui m’a mis dans une rage folle.
Un livre tout simplement magnifique, peut-être celui qui m’a le plus ému de toute ma longue carrière de lecteur ! Pas moins. Du début jusqu’à la fin, j’avais les larmes aux yeux, je ne crains pas de le dire. J’ai dit que l’histoire n’était pas tellement importante en tant que telle, mais la manière dont elle est écrite m’a terrassé. Kent Haruf utilise des mots d’une grande simplicité, décrit très précisément des situations très banales. Un autre pouvait écrire ce bouquin et nous rendre une copie bien nunuche, un truc pour midinette car il est vrai que nous flirtons avec cette ligne blanche mais Kent Haruf par je ne sais quel tour de magie, en fait une petite merveille.
Je ne suis pas réellement surpris car j’avais déjà lu cet écrivain et toujours j’avais adoré. Alors, si ce roman n’est pas encore passé entre vos mains, n’hésitez pas une seule seconde, vous adorerez ses personnages et leur humanité, de ceux qu’on aimerait voir plus souvent dans ce monde.
« Et ainsi, les deux frères McPheron se mirent à discuter bétail, abattoir et bouvillons de choix, génisses et veaux de lait, expliquant tout cela aussi, et entre eux trois, ils discutèrent à fond de toutes ces choses, jusque tard dans la soirée. Parlant. Conversant. S’aventurant un peu dans d’autres sujets assez divers. Les deux vieux bonshommes et la fille de dix-sept ans assis devant la table de la salle à manger en pleine campagne après la fin du dîner, et après avoir nettoyé la table, tandis que dehors, au-delà des murs de la maison et des fenêtres sans rideaux, un vent du nord bleu et froid commençait à souffler une nouvelle série de bourrasques hivernales sur les hautes plaines. »
Kent Haruf Le Chant des plaines Robert Laffont – 429 pages –
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Benjamin Legrand
6 commentaires
Un billet qui fait du bien à mon petit coeur, car moi j'aime ces trucs simples en apparence. Il faut aussi lire la 'suite' où on retrouve les deux fermiers! Emotions garanties, mais sans chichis de narration
Kent Haruf n’a pas beaucoup écrit et il ne me manque plus que « Colorado blues » à lire. C’est un excellent auteur et je le conseille fortement à ceux qui ne l’auraient pas encore lu…..
J'ai beaucoup aimé ce roman et moi aussi il ne me reste que Colorado blues à lire. Ingannmic a été moins séduite mais ses arguments sont intéressants.
Ingannmic n’a pas tort effectivement mais chaque lecteur a sa propre sensibilité, c’est ce qui fait la « grandeur » de la lecture……
Quel coup de cœur, ton enthousiasme me fait très plaisir, et est presque communicatif.. Mais comme tu as vu, je n'ai personnellement pas été aussi emballée, malgré les qualités que je reconnais à ce roman. Je suis toutefois ravie de cette nouvelle LC, et de nos divergences, que je trouve intéressantes !
Je me laisserai tout de même tenter par cette suite qu'évoque Keisha, rien que pour retrouver les McPheron !
Je ne suis pas un habitué des LC mais j’en découvre le grand intérêt. Comme tu le sais très bien, la lecture c’est la rencontre entre un livre avec ses défauts/qualités objectifs, et un lecteur avec sa vision forcément subjective liée à son humeur par exemple. Concernant ce roman, je l’ai lu et écrit mon billet en août quand tu nous as donné le programme des LC, il s’avère qu’à cette époque mon moral n’était pas à son meilleur, ma sensibilité plus forte…. Ceci explique peut-être cela ? Mais je persiste néanmoins à dire que c’est un bon roman.
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