Amos Oz : Jusqu’à la mort
04/12/2020
Connu sous son pseudonyme d’Amos Oz (« force » en hébreu) Amos Klausner (1939-2018), est un poète, romancier et essayiste israélien. Professeur de littérature à l'université Ben Gourion de Beer-Sheva, Amos Oz était le cofondateur du mouvement La Paix maintenant et un fervent partisan de la solution d'un double Etat au conflit israélo-palestinien. Son œuvre compte plusieurs recueils de nouvelles, des essais et une petite vingtaine de romans.
Jusqu’à la mort, recueil de nouvelles datant de 1971 vient d’être réédité. Deux textes, Jusqu’à la mort et Un Amour tardif, le premier est très bien, le second m’a un peu ennuyé.
An 1095, le pape Urbain II exhorte à la croisade pour libérer la Terre Sainte des infidèles. Le seigneur Guillaume de Touron, à la tête d’une petite troupe, se lance dans l’aventure pour répondre à cet appel mais surtout pour trouver la paix de l’âme, affecté par le décès de sa femme. A ses côtés, Claude-le-bossu, un esprit trouble animé de pulsions malsaines, tient la chronique de ce qui devait être une épopée mais s’avérera un épouvantable fiasco. Au fur et à mesure de leur avancée, la paranoïa va lentement gagner les esprits, on commence par tuer tous les Juifs croisés en chemin puis on s’imagine que l’un deux est incognito membre de la troupe et quand, bloqués par l’hiver, le froid et la faim, dans un monastère en ruine, Guillaume de Touron réalisera que cette suspicion n’est qu’une illusion créée par son propre cerveau, il ne lui restera plus qu’une seule issue…
Le récit s’écoule en douceur comme le sable dans le sablier, la métaphore est très belle et c’est un excellent moment de lecture.
La seconde nouvelle se passe à Tel-Aviv à l‘époque de Moshe Dayan, donc contemporaine. Le narrateur est un vieux conférencier itinérant, « je vais de kibboutz en kibboutz les vendredis soir », proche de la mort, le corps se délitant, sans relations sociales et exécré de tous, « j’ai soixante-huit ans, je suis solitaire, je n’aime ni ne suis aimé ». Son obsession, l’antisémitisme des Russes, tournant à la parano, voyant un complot quand ses supérieurs lui proposent de prendre sa retraite.
Deux textes qui se rejoignent puisqu’il y est question de racisme et de haine, de solitude et de peur de l’autre, et in fine de mort.
« En chemin il songea à la mort de ses épouses, de la seconde comme de la première. Il regardait les différentes formes que prenait la mort comme on regarde des fleurs de givre en hiver. Ces femmes ne lui inspiraient pas de pitié, ni la première, ni la seconde, car elles ne lui avaient point donné d’héritier. Mais il sentait clairement que leur mort était l’annonce de la sienne propre. Il envisageait sa mort comme un lieu reculé où il lui fallait se rendre, peut-être en l’escaladant ou en se frayant un dur chemin, et il percevait un lien secret entre les mots : « délivrer », « être délivré », « purifier par les flammes » et « brûler ». D’été en été, presque de jour en jour, il sentait son sang se glacer. Il ignorait pourquoi avec force, en silence, il désirait s’acheminer vers le lieu où résident les éléments les plus simples : la lumière, la chaleur, le sable, le feu, le vent. »
Amos Oz Jusqu’à la mort Gallimard L’Imaginaire – 160 pages –
Traduit de l’hébreu par Rina Viers
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