Yan Lespoux : Presqu’îles
11/02/2021
Yan Lespoux, né en 1977, a grandi dans le Médoc. Il enseigne l’occitan à l’université Paul Valéry-Montpellier 3, anime régulièrement des débats d’auteurs dans des festivals et organise des rencontres à la librairie La machine à lire à Bordeaux. Il collabore à diverses revues (Marianne…) pour lesquelles il chronique des romans noirs. Il a également créé un blog encoredunoir devenu une référence dans l’univers du polar. Presqu’îles est son premier recueil de nouvelles.
Il y a les grands écrivains classiques qu’on se doit de lire, les écrivains contemporains renommés qu’on aime lire et puis il y a ces petits bonheurs inouïs qui dépassent tout quand on tombe par hasard sur l’excellent livre d’un auteur qui nous était inconnu jusqu’à ce jour. Yan Lespoux est de cette race avec ce magnifique recueil de nouvelles qui m’a carrément subjugué.
Le bouquin d’un petit format n’est pas très long non plus, moins de deux cents pages, pour trente-trois nouvelles classées par thèmes (Noyades, Gens d’ici etc.). Si vous avez fait le calcul vous en déduisez que chaque texte n’excède que rarement quelques pages. Toutes ces nouvelles se déroulent dans le Bordelais, entre forêts de pins et chemins de sable menant à l’océan. Le lecteur attentif et qui aime examiner les livres avant de les lire, se réjouit déjà du clin d’œil malicieux de l’auteur, trente-trois nouvelles dans une région ou 33 est le numéro des plaques minéralogiques des voitures…
Et de quoi est-il question dans ces micro-nouvelles ? De pêche, de chasse, de coins à champignons, de cambrioleurs foireux et d’autochtones qui carburent au Ricard, le fusil à portée de main, dit ainsi ça parait presque banal mais tout le sel réside dans la chute de ces historiettes, teintée d’un humour noir insensé (« … il a disparu là-bas… mais c’est ici qu’il a échoué… On va dire que c’est nous qui avons eu droit au premier noyé de la saison. Lorsqu’il entend ces mots, il ne peut contenir une petite bouffée de fierté. Sa journée, finalement, ne sera pas gâchée. »). Après deux ou trois textes quand on est entré dans le monde de l’auteur, au plaisir de la lecture s’ajoute l’inquiétude latente car on sait que chaque épilogue apportera son lot de malheur ou de déception pour chacun de ses héros.
Le bouquin pouvait se poursuivre ainsi tout du long, fort bon, mais mon esprit critique et chipoteur n’aurait pas manqué de relever le procédé, sauf que l’écrivain – malin et talentueux - m’a coupé l’herbe sous le pied en changeant de ton après cent pages. Les nouvelles prennent une autre envergure, jouent sur un autre registre, comme celle, très belle et aussi l’une des plus longues, avec ce gamin qui se voit offrir son premier couteau de poche par son grand-père, récit initiatique autant qu’émouvant.
Yan Lespoux écrit vraiment très bien et même si les textes sont très courts, ils sont très détaillés, très précis, émaillés de quelques mots rares ou locaux (Alios un grès des Landes, berlon un jeu de billes, bidaou un champignon…). De très belles descriptions de paysages, plages, dunes et forêts en hiver ou en été…
Toutes ces nouvelles tournent autour du même thème, la communauté. Les locaux voient tous d’un mauvais œil les étrangers et quand je parle d’étrangers, un Parisien fait l’affaire, un Toulousain tout autant, même un natif du coin parti longtemps et revenu est considéré comme tel. Au point qu’un personnage sait qu’un jour il sera membre de cette communauté, mais il s’interroge « Il faut être encore un peu patient. Après tout, il n’habite ici que depuis trente ans. »
Foncez sur ce livre, il est excellent, bien meilleur que ce qu’en dit ce pauvre billet.
« Le Charentais se situe quelque part entre le Bordelais et le Parisien. Et pas seulement d’un point de vue géographique. C’est dire s’il est apprécié. Si on supporte assez mal le Parisien et le Bordelais toute l’année, on tolère toutefois le Charentais de – en gros – janvier à novembre, c’est-à-dire, pour faire court, l’époque où il reste chez lui. Il arrive bien sûr que des Charentais viennent chez nous durant cette période. Pour voir de la famille, par exemple. Mais c’est assez rare, et les rapports demeurent distants mais cordiaux. Dans une certaine mesure. (…) Dans une discussion de bistrot, si un Charentais s’y arrête et engage la conversation (ils ne peuvent pas s’en empêcher), on lui demandera d’où il vient. Et quand il aura répondu, on lui dira que ça serait bien qu’il y retourne. »
4 commentaires
Mais je suis déjà tombée sur son blog! Très bon blog d'ailleurs!
Le blog est connu effectivement, même moi, je l’avais déjà consulté ! Un a priori favorable donc pour ceux qui hésiteraient à lire ce bouquin vraiment excellent….
Ah mais j'avais loupé ce billet dis donc ! Bon ce n'est pas grave puisque j'ai déjà le recueil à la maison, qui m'a attirée en partie parce que je connais bien le Médoc. Et j'ignorais que Lespoux était l'auteur du blog encoredunoir, que je fréquente pourtant assez souvent... comme quoi, "on en apprend tous les jours ma p'tite dame" !
En tous il a l'air excellent ce recueil, j'ai hâte de m'y plonger ..
De quoi, de quoi ? Tu ne lis pas tous mes billets ? Quelle déception…
Le bouquin est vraiment très bien, j’espère qu’il te plaira autant qu’à moi, bonne lecture !
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