Anjali Sachdeva : Tous les noms qu’ils donnaient à Dieu
12/04/2021
Anjali Sachdeva, jeune écrivaine américaine née d’un père d’origine polonaise et d’une mère d’origine bengali, a grandi à Pittsburgh. Ce premier livre et recueil de nouvelles, Tous les noms qu’ils donnaient à Dieu qui vient de paraître chez nous, a été récompensé et retenu aux Etats-Unis parmi les meilleurs livres de l’année 2018 par plusieurs médias. Anjali Sachdeva, diplômée du prestigieux Iowa Writers’ Workshop, travaille actuellement à l'écriture de son premier roman.
Neuf textes, neuf nouvelles toutes très différentes les unes des autres, sans unité de lieu ou de temps. Vous passerez des Etats-Unis d’aujourd’hui à l’Angleterre de Charles 1er ou même carrément dans le futur. Ici dans le désert égyptien une jeune femme et un archéologue n’auront pas droit à la gloire qu’ils méritent, éclipsés par Carter et le tombeau de Toutankhamon (Poumon de verre) ; là, un écrivain proche de sa fin de vie dialogue avec sa muse, ange de la mort le conjurant d’écrire son grand œuvre avant qu’il ne soit trop tard (Tueur de rois) ; là encore, deux jeunes nigérianes enlevées par un mouvement islamiste, genre Boko Haram, sont mariées contre leur volonté (Tous les noms qu’ils donnaient à Dieu)… On passe d’univers crédibles à du quasi fantastique (Robert Greenman et la sirène) ou voire de la S.F. (Manus) à moins que ce ne soit une nouvelle au léger goût de polar (Tout ce que vous désirez).
S’il n’y a pas – me semble-t-il – de fil rouge reliant même indirectement ces textes, ils sont pourtant liés par une écriture très originale menée à un rythme alerte. Toutes ces histoires sont parfaitement construites et « pleines », c'est-à-dire sans temps morts ou phrases sans intérêt qui seraient par opposition des « creux ». Mais ce qui caractérise particulièrement ce recueil et en fait toute la saveur, il flotte autour de ces neufs nouvelles une sorte de léger mystère ou d’étrangeté, avec des épilogues pas vraiment très clairs ou nets car ouverts.
Un bouquin fort bien écrit, des textes vous plongeant dans des univers différents les uns des autres par l’imagination délirante d’Anjali Sachdeva, du rythme et un soupçon d’étrangeté généralisé, bref, un recueil qui mérite largement qu’on s’y intéresse.
« La première fois qu’elle s’était manifestée à lui, John avait rêvé de mers sombres et vitreuses et, au réveil, il l’avait découverte assise à son chevet sur une chaise à dossier droit. Sans préambule, elle avait déclaré : « Je suis venue pour votre poème. – Lequel ? – Oh, vous savez, le poème épique, avait-elle répondu en agitant les doigts avec désinvolture. Chute de l’Homme, Rédemption, Pardon, etc. Votre grand œuvre. – Je ne l’ai pas écrit. – J’en ai bien conscience. » Une plume était apparue dans sa main, une planche sur ses genoux, ainsi qu’une feuille de parchemin et un encrier. Elle lui avait souri en trempant sa plume dans l’encre. « C’est parti. » » [Tueur de rois]
Anjali Sachdeva Tous les noms qu’ils donnaient à Dieu Albin Michel – 275 pages –
Traduit de l’américain par Hélène Fournier
2 commentaires
Un grand merci pour cette chronique, pour votre enthousiasme, pour votre soutien.
Très chaleureusement,
Hélène Fournier, traductrice
C’est surtout à moi de vous remercier d’être un maillon important dans la longue chaine de ceux qui ont participé à nous faire découvrir cet ouvrage !
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