Les romans incompréhensibles
28/08/2021
Et si l’on s’attardait un instant sur les romans incompréhensibles, ceux dont le sens nous échappe et qu’on classe, un peu vite parfois, de mauvais ? Ces romans sont rares mais ils existent, la preuve, cette année pour ne pas dire récemment, je suis tombé sur ce type d’ouvrages, je ne cite pas leurs titres, ça n’a aucune importance ici.
Quelques fois c’est l’épilogue qui m’a laissé dans le flou complet, d’autres fois c’est le bouquin en entier dont je n’ai pas saisi le sens ou le but recherché par l’auteur. Bien entendu ces propos n’engagent que moi et il est fort possible que je sois le seul à ne pas comprendre certains livres, ça n’a guère d’importance puisque c’est aussi moi qui rédige cet article !
Quand je tombe sur ces objets lisibles non identifiés ma première réaction est donc de les qualifier de ratés et de gueuler in petto pour le temps perdu à leur lecture ou pire encore, pour l’argent dépensé pour rien. Ca c’est mon attitude à chaud mais si on prend le problème à tête reposée, lire un livre incompréhensible est-ce vraiment une catastrophe ? Est-ce complètement négatif ?
Prenons un exemple hors sujet de prime abord mais qui va éclairer mon propos. Il fait beau et vous partez en randonnée ou pour une belle balade en forêt dans le but de visiter un petit monument repéré sur la carte ou profiter d’un beau point vue signalé sur la même carte. Vous marchez, le trajet semble évident, puis vous perdez le chemin suivi, vous continuez, vous tournez en rond, bref, vous êtes perdus ! Le temps de retrouver votre position, il est tard et il ne vous reste que le temps de rentrer à la maison. Vos amis vous demandent « Alors, c’était bien ? C’était beau ? » Epuisés et contrariés par cette sortie foirée, vous ronchonnez et filez prendre une douche.
Plus tard, calmés et après avoir bu et mangé vous repensez à ce périple. Certes, vous n’avez pas vu le monument et peau de balle pour le point de vue ; par contre vous êtes passés par des sensations variées et imprévues, l’énervement de s’être égaré, puis la crainte d’être vraiment perdu, voire l’angoisse de ne pas pouvoir rentrer avant la nuit et enfin le ridicule quand vous comprenez que vous vous étiez égarés faute de n’avoir pas bien lu votre carte. Le chemin retrouvé, et donc connu, vous l’avez regardé avec d’autres yeux, plus craintifs moins aimables ; les arbres vous ont paru plus sombres avec des formes inquiétantes, le ciel menaçant etc.
Donc, cette virée complètement ratée s’est révélée une expérience riche d’expériences : psychologique, vous vous êtes peut-être découvert des aspects inconnus de votre caractère ; physique, peut-être aussi que vous avez dû marcher beaucoup plus que prévu ce qui vous aurez semblé au-dessus de vos forces en temps normal…
Maintenant que vous pouvez peser le pour et le contre de votre sortie, ce « raté » l’est-il autant que vous le pensiez ? Car la randonnée prévue initialement vous pourrez toujours la faire demain, alors que ce que vous venez de vivre, vu qu’il a été réalisé à l’insu de votre plein gré, vous ne pourrez pas le revivre volontairement.
Pour en revenir à notre bouquin incompréhensible, c’est un peu la même chose. On l’a entamé confiant mais son incompréhension finale nous fait passer par de multiples stades d’agacement qui eux aussi sont une autre face de la lecture : se retrouver avec un livre écrit dans une langue qui est la nôtre, des mots qui nous sont familiers, des phrases qui prises séparément sont claires (peut-être ?) mais mon tout reste un mystère. Avouez que ce n’est pas banal.
Je ne vais pas vous dire qu’il faut s’en réjouir, je ne vais pas non plus féliciter l’écrivain, mais si ce type d’expérience ne se présente que très rarement (oui, plus ce serait inquiétant) ce bouquin va rester comme un souvenir cuisant mais profond. Plus fort que maints ouvrages compréhensibles mais quelconques.
Amusant, non ?
6 commentaires
La comparaison avec la randonnée est très éclairante. Et puis ces livres agaçants qu'on ne comprend pas en partie, c'est bien pour le cerveau, non?, plus que des romans tranquilles et attendus? Même s'il faut de tout quand même.
« Et puis ces livres agaçants qu'on ne comprend pas en partie, c'est bien pour le cerveau » oui, c’est un peu ce qui correspond à ce truc des soigneurs dans les zoos, ils planquent de la nourriture dans des objets farfelus et fermés pour obliger les animaux à fouiner et chercher, ça fait marcher leurs neurones et ça les distrait de leur enfermement….
Pour en revenir aux bouquins, ça va de temps en temps mais pas trop souvent non plus !
J'aime bien aussi votre comparaison avec la randonnée. Mais je serais moins conciliante que vous. Je suis justement en train de lire un livre auquel je ne comprends rien, mais alors absolument rien du tout. Je lis une page, puis une autre, et rien, le trou noir. Et pourtant, croyez-moi, on en dit du bien par ailleurs. Donc, pourquoi ? Pourquoi ce livre ? Je vous rejoins sur le fait que cela me permet d'apprendre quelque chose, au moins sur ceux qui me l'ont conseillé. Il est bien évident que je ne vais pas le terminer et le rendre gentiment pour qu'il parade sur d'autres étagères que les miennes.
Bon dimanche !
« cela me permet d'apprendre quelque chose, au moins sur ceux qui me l'ont conseillé » Vous pouvez demander à ces personnes les raisons pour lesquelles elles vous ont indiqué ce livre ? Une discussion qui promet d’être savoureuse…
Ce qui est certain c’est que lire un roman auquel on ne comprend rien de rien laisse songeur et ouvre la porte à mille interrogations : suis-je si nul ? l’écrivain est-il sous l’emprise de substances illicites ? son éditeur est-il un grand malade ? Moi ce genre de situation me fascine.
Bonne journée à vous aussi.
"ce bouquin va rester comme un souvenir cuisant mais profond."
Eh bien non, peut-être pas, car quand j'ai lu le titre de cette chronique j'ai tout de suite eu la certitude d'en avoir lu moi aussi de ces bouquins... et depuis je cherche, pas un seul ne me revient en mémoire. Comme quoi, il semblerait que si ça ne matche pas, moi, j'efface.
Admettons que le livre ne reste pas en mémoire, en tout cas le nom de l’écrivain s’inscrit au néon clignotant dans mon esprit !
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