Louis-Philippe Dalembert : Milwaukee blues
28/02/2022
Louis-Philippe Dalembert, né en 1962 à Port-au-Prince (Haïti) est un écrivain d'expression française et créole. De formation littéraire et journalistique, il travaille comme journaliste d'abord dans son pays natal avant de partir en 1986 en France poursuivre des études qu'il achève par un doctorat en littérature comparée et un diplôme de journalisme. Louis-Philippe Dalembert a enseigné dans plusieurs universités aux Etats-Unis et en Europe. Son dixième et dernier roman à ce jour, Milwaukee blues, date de 2021.
Un roman construit à partir de deux drames, le lynchage d’Emmett Till (1941-1955) dans le Mississipi par deux frères qui seront acquittés avant qu’ils n’avouent bien plus tard leur acte, certains de leur impunité ne pouvant être condamnés deux fois pour un même crime. Et plus récemment, la mort de George Floyd en 2020 victime de violences policières à Minneapolis (Minnesota).
Le roman relate la courte vie d’Emmett, un jeune Noir qui veut se sortir du ghetto par le biais du sport en obtenant une bourse pour une université et accéder ensuite au football professionnel. Un rêve qui n’aboutira jamais.
Le roman se découpe en trois parties et les deux premières sont particulièrement bien troussées par l’écrivain car judicieusement conçues : le drame a déjà eu lieu et les chapitres font défiler ceux qui l’ont bien connu, chacun donnant son point de vue et les relations qu’il entretenait avec Emmett. Son institutrice (blanche) qui s’était prise d’affection pour le gamin, une amie d’enfance amoureuse/sœur du jeune homme, un pote dealer ; puis son coach sportif à l’université et nous apprenons qu’un premier drame l’a fortement marqué, gravement blessé lors d’un match, la carrière ambitionnée doit s’arrêter là. Sa fiancée (blanche) intervient aussi etc.
Les deux tiers du roman sont vraiment plaisants à lire - même si le sujet est grave – car chaque intervenant ou presque, s’exprime dans son langage pittoresque, s’adressant directement au lecteur. L’humour n’est pas absent et c’est vraiment très bien.
La dernière partie change de ton. Finis les dialogues en continu, on entre dans le plus émouvant. Le meurtre vient d’avoir lieu, le policier assassin donne son point de vue sur cette mort, la pasteure Ma Robinson organise les funérailles avec la famille, son magnifique sermon tentant d’apaiser les tensions qui montent, la marche digne et puissante de cette communauté qui relève la tête et crie « assez ! »
Un très beau roman, ne cherchant jamais à forcer sur l’émotion du lecteur, les faits se suffisent à eux-mêmes. Et si Ma Robinson a foi dans des jours meilleurs à venir, le lecteur perplexe, se demande si ces jours viendront … ? « I have a dream »
« « As-tu déjà vécu, ne serait-ce qu’un instant, en étant obligée de raser les murs ? me dit-il. Pas parce que les autres te le commandent avec des mots, mais par leur regard. A chaque coup d’œil, ils te font sentir que t’as pas le droit d’être là. Alors, pour éviter ces regards assassins, tu rases les murs. T’exiges rien, tu revendiques rien. Tu prends l’habitude d’être transparent, d’être une ombre. De pas faire de vague pour ne pas être remarqué, car t’es pas à ta place. » C’est la leçon que sa mère lui enseigna en fin d’après-midi, de retour à la maison. »
Louis-Philippe Dalembert Milwaukee blues Sabine Wespieser Editeur - 281 pages -
4 commentaires
J'attendais avec impatience ton billet... ton enthousiasme est susceptible de m'inciter à donner une deuxième chance à l'auteur, malgré ma lecture mitigée de "Avant que les ombres s'effacent".
Et je récupère ton lien pour l'ajouter au récapitulatif du Mois latino.
« Enthousiasme » est un peu exagéré, mais c’est un bon roman, ça c’est certain !
Je n'ai pas réussi à entrer dans ce roman, je lui reconnais de belles qualités, d'écriture notamment, mais je suis restée de côté alors que j'avais adoré Mur Méditerranée...
Ne pas entrer dans un roman, ça peut arriver. Encore qu’ici je ne vois pas ce qui a pu te bloquer ? Tant pis…
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