Jenni Fagan : La Fille du Diable
14/03/2022
Jenni Fagan, née en septembre 1977 en Ecosse, est une romancière britannique. Elle est l'auteure de deux romans et de plusieurs recueils de poésie. Enfant abandonnée, Jenni Fagan a été adoptée deux fois sans succès, aurait déménagé trente-sept fois avant ses seize ans, passé plusieurs années dans des logements pour sans-abri et à seize ans devient chanteuse dans des groupes punk et grunge. La Fille du Diable, son nouveau roman, vient de paraître.
Ai-je aimé ce roman ? Je ne sais pas ! Me suis-je ennuyé ? Jamais, pas une seule seconde ! Qu’est-ce à dire ? C’est trop bizarre ! Hé ben, on est mal barré avec ce genre de commentaires…
Edimbourg, Ecosse, un immeuble de neuf étages dans une ruelle non loin du château. A chaque étage un appartement, dans chacun un locataire avec une histoire, chacune de ces histoires se déroulant à une époque différente s’espaçant de 1910 à 1999, liées plus ou moins directement entre elles formant un tout, matière de ce roman.
La structure du livre est simple à comprendre, c’est après que ça se complique et trouve peut-être un début d’explication dans le parcours atypique de l’écrivaine ?
La suite est difficile à expliquer, les bribes que je vais vous donner sont bien dans le livre mais ne correspondent pas vraiment à ce que vous allez imaginer. Tant pis, j’y vais : le bouquin débute avec l’arrivée dans l’immeuble de Jessie, une jeune fille pourvue de petites cornes, c’est la fille du Diable qu’elle a tué ! Elle arrive en tant que future mère-porteuse pour Mr Udman propriétaire du bâtiment et sa femme Elise ; viendrons plus tard, Flora le travesti, Levi le Noir de Louisiane, Ivy dont le frère a été tué par les Nazis, Agnès médium qui converse avec les esprits, même William Burroughs qui prend ses quartiers chez son amant dans l’immeuble ; il y a aussi une guerre entre gangs locaux et Triades chinoises ; un ancien mineur qui ne peut vivre à la lumière du jour et Dot, qui squatte l’immeuble condamné à la destruction avant de le libérer de ses tourments, objets inanimés avez-vous donc une âme ?
Dit ainsi ça semble bien farfelu et il est vrai que durant ma lecture, une partie de mon cerveau s’appliquait à ne pas perdre le fil des histoires, l’autre tentant de trouver un sens général à l’ensemble. Je le répète, on ne s’ennuie jamais, chaque page ou chaque ligne réserve une surprise, roman démoniaque avec du sexe (« Quel acte est véritablement pervers, alors ? Aucun : la sexualité est bizarre…) mais aussi une réflexion sociale (« Tous les hommes qui s’enrichissent grâce à une construction fondée sur le meurtre ou la pauvreté d’autrui devront rendre des comptes ») et féministe (« Voilà où elles sont, les femmes, putain ! Emmurées dans un immeuble par des hommes qui ne parvenaient pas à les dompter.)
Immeuble, tour de Babel métaphore du siècle, tous ces éléments et d’autres se mêlent sur un bon rythme, le lecteur ne peut que se concentrer sur sa lecture pour tenter d’en comprendre les arcanes, bref un roman pour les curieux et qui se mérite.
« Des histoires cachées à chaque étage. Elle part à leur recherche. Il y a des signes partout. Combien de personnes ont vécu ici ? Eté hébergées ici ? Ont perdu l’esprit, ou leur cœur, ou avec un peu de chance trouvé un moment dans leur vie où ils étaient en sécurité ? ah, si seulement ! Dot va dans sa chambre. Elle a dessiné tout l’immeuble sur le mur. Elle dort à côté de lui. Ajoute des notes. Se réveille le matin et le contemple en fumant. Elle ne sait pas trop ce qu’elle fait. C’est instinctif. Que cherche-t-elle ? Elle ne le sait pas vraiment. »
Jenni Fagan La Fille du Diable Métailié - 351 pages -
Traduit de l’anglais (Ecosse) par Céline Schwaller
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