Jim Harrison : Faux soleil
28/10/2022
Jim Harrison (1937-2016), de son vrai nom James Harrison, est un écrivain américain. Il a publié plus de 25 livres, dont les renommés Légendes d'automne, Dalva, La Route du retour, De Marquette à Vera Cruz… Membre de l'Académie américaine des Arts et des Lettres, Jim Harrison a remporté la bourse Guggenheim. Son roman, Faux soleil sous-titré l'histoire d'un chef d'équipe américain, Robert Corvus Strang, date de 1984.
Le narrateur, jamais nommé, est un écrivain dans la fleur de l’âge pas mal usé par les excès de nourriture et d’alcools, atteint de goutte. Ici, je me permets de glisser cet extrait d’un entretien donné par Jim Harrison au magazine Lire en octobre 2015 : « Si on pouvait arrêter de dire que je suis tous mes personnages dès qu’ils picolent, mangent et pensent au cul, ça m’arrangerait… », pour couper court à toute surinterprétation… Fin de la parenthèse. Notre narrateur, donc, en panne sèche à la recherche d’un sujet pour un nouveau livre, va se lancer dans la biographie d’un chef d'équipe américain, Robert Corvus Strang. Un homme singulier au parcours exceptionnel.
L’homme vit retiré dans un chalet du Nord Michigan, près du Lac Supérieur. Il a voué sa vie à la construction de barrages à travers le monde entier mais aujourd’hui, souffrant d’épilepsie bénigne et les jambes en loques, se déplaçant avec un déambulateur, il tente de se reconstruire pour repartir vers de nouvelles aventures. Il partage son home avec Eulia, une très jeune Sud-américaine bien roulée dont on ne sait pas (au début du récit) si c’est sa femme ou sa fille… Strang accepte de raconter sa vie à notre écrivain, lequel s’installe à proximité et enregistre jour après jour ses propos.
Enfance de Strang avec son frère aîné Karl, chasse et cueillettes dans les bois, premier amour, expérience de missionnaire en Afrique et voyages à l’étranger pour ses barrages etc. Le récit est vivant, personnages et situations cocasses parfois, l’homme a roulé sa bosse autant qu’il l’a cabossée et de le voir aujourd’hui réduit à l’état de larve rend l’histoire dramatique. Pourtant, il a l’envie de vivre chevillée au corps et il s’escrime chaque jour à ramper dans la forêt et le marais pour remuscler ses jambes, un effort surhumain de volonté, quoi qu’il en coûte.
Au fil des confidences recueillies par l’écrivain, celui-ci d’abord lointain va s’impliquer d’avantage, ressentant comme un vague écho avec sa propre vie.
Harrison est Harrison, on retrouve dans ce beau roman ce qui nous rend l’écrivain si sympathique, les basiques de la vie qu’il sait rendre ludiques et naturels : la nature omniprésente, ici l’eau est en majesté ; la chaire source de plaisirs, que ce soit celle qui remplit les assiettes ou bien celle qui laisse le corps épuisé dans les draps.
La fin du livre est très belle, ouverte à toutes les interprétations, drame assumé ou résurrection ?
« Nous eûmes une longue conversation bizarre à propos du Don de Humboldt de Saul Bellow. Humboldt incarnait apparemment la conception de l’écrivain selon Strang, ainsi que Thomas Wolfe. Parler de livres l’amena à exprimer une conception décourageante de la personnalité : nous nous accomplissons pour des raisons spécifiques dont nous-mêmes décidons. Autrement dit, nous sommes déjà, à tout moment, ce que nous souhaitons être. Cette vision pessimiste engendra quelques considérations du genre : fort peu de gens sont capables de se situer de manière sensée à un moment donné. Il trouvait cela merveilleux ; je réussis à soutenir le choc de son humeur socratique. »
Jim Harrison Faux soleil 10-18 - 295 pages -
Traduit de l’américain par Brice Matthieussent
4 commentaires
C'est avec ce titre que j'ai découvert l'auteur (en 2009) et j'avoue en avoir tout oublié... du coup je viens de relire ma vieille note et voit que la lecture m'avait laissée perplexe : j'avais aimé l'écriture et les personnages, mais avais été déstabilisée par la "non-linéarité" du récit, et le fait qu'on a l'impression qu'il ne s'y passe pas grand-chose..
J'ai l'impression que c'est tout de même un titre un peu à part dans son œuvre, non ?
Tu découvres l’auteur avec ce titre et moi je termine toute son œuvre avec ce même roman ! Amusant ?
Ton commentaire est très juste, il ne se passe pas grand-chose et moi-même j’ai trouvé ce roman très atypique. La linéarité ne m’a pas gênée, nous sommes habitués toi et moi à croiser ce type de technique, au contraire je trouve qu’elle ajoute un peu d’intérêt à cette lecture, ce qui permet d’accepter qu’il ne s’y passe pas grand-chose…
Je note au passage, que je suis beaucoup plus conciliant avec les écrivains que j’aime bien qu’avec les autres… injuste ?
Lu il y a longtemps, ainsi que plusieurs autres Harrison. Pas mal oublié. A revoir, peut-être...
Relire ce roman n’est pas nécessaire mais lire Harrison, oui !
Les commentaires sont fermés.