Georges Simenon : Le Charretier de la « Providence »
20/02/2023
Georges Simenon est un écrivain belge francophone (1903-1989). L'abondance et le succès de ses romans policiers (notamment les « Maigret ») éclipsent en partie le reste d'une œuvre beaucoup plus riche. Simenon est en effet un romancier d’une fécondité exceptionnelle, on lui doit 192 romans, 158 nouvelles, plusieurs œuvres autobiographiques et de nombreux articles et reportages publiés sous son propre nom et 176 romans, des dizaines de nouvelles, contes galants et articles parus sous 27 pseudonymes ! Le Charretier de la « Providence » paru en 1931 est l’un des premiers romans de la série des Maigret.
Le cadavre d’une femme étranglée est retrouvé dans une écurie près d’une écluse d’un canal latéral de la Marne. La femme correctement vêtue n’est certainement pas une familière des lieux. Le commissaire Maigret est chargé de l’enquête.
Dès ce premier roman, on plonge dans l’ambiance pesante des Maigret : une zone déserte, une écluse et un café de la Marine où les mariniers viennent boire un coup, une météo pluvieuse avec averses, ciel bas et gadoue qui colle aux godasses. Très vite deux bateaux attirent l’attention, un yacht, propriété de Walter Lampson, colonel de l’armée des Indes à la retraite porté sur l’alcool, Willy Marco, Mme Negretti et Vladimir le matelot russe. Le cadavre est celui de Mary, jeune épouse du colonel. Mais le bateau le plus intrigant c’est La Providence car un indice trouvé sur le cadavre le rend suspect ; péniche en bois, tirée sur le canal par deux chevaux, à son bord un couple de mariniers et Jean, un vieil homme taiseux, le charretier qui vit dans la paille auprès de ses bourrins… L’enquête se complique quand Willy est à son tour assassiné !
Maigret loge sur place et se mêle à la vie des mariniers, apprend tout du fonctionnement des écluses et de la navigation sur les canaux, ses codes, ses rites et ses contraintes. Les deux bateaux, deux univers opposés, sur l’un c’est une morne fiesta permanente avec champagne en jonglant avec les problèmes d’argent, liens sentimentaux complexes entre les uns et les autres, sur la péniche c’est la vie difficile mais aimée par leurs occupants, on travaille dur et on se serre les coudes. Maigret observe, écoute, emprunte un vélo pour se déplacer et suivre à la trace les bateaux sur le canal, il pleut, bonjour tristesse. De temps à autre, Lucas, adjoint du commissaire vient au rapport, mais le futur célèbre commissaire est seul à tenter de démêler cette intrigue dont je ne vous dis rien d’autre… le titre du roman parlant de lui-même !
Une intrigue qui se révèlera finalement assez abracadabrante car reposant sur un hasard assez improbable. Néanmoins l’épilogue nous réserve des pages d’une extrême tendresse, émouvantes au possible et très belles.
« « Jean, lui, c’est son écurie… Et ses bêtes ! … Tenez !... Il y a naturellement des jours où on ne marche pas parce qu’on décharge… Jean n’a rien à faire… Il pourrait aller au bistro… Non ! Il se couche, à cette place-ci… Il s’arrange pour qu’il entre un rayon de soleil… » Et Maigret se mit en pensée à l’endroit où se trouvait le charretier, vit la cloison passée à la résine à sa droite, avec le fouet qui pendait à un clou tordu, la tasse d’étain suspendue à un autre, un pan de ciel entre les panneaux du haut et, à droite, la croupe musclée des chevaux. Il se dégageait de l’ensemble une chaleur animale, une vie multiple… »
Georges Simenon Le Charretier de la « Providence » Gallimard La Pléiade Romans 1 - 100 pages -
PS : Quelques jours de retard pour fêter les cent-vingt ans de la naissance de Georges Simenon, né le 13 février 1903 à Liège. Mais est-ce réellement important ? Tant qu’on le lit…
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