Philippe Djian : Sans compter
27/02/2023
Philippe Djian est un romancier français né en 1949 à Paris. Longtemps présenté comme un héritier de la Beat Generation en France, il est notamment l'auteur en 1985 de 37°2 le matin qui lui apporta la popularité mais depuis, son style et son inspiration ont beaucoup évolué. Sans compter, son nouveau roman vient de paraître.
Nathan, le narrateur, journaliste à l’Eveil, vit avec sa femme Sylvia et sa belle-mère Gaby principale actionnaire du journal et veuve de son fondateur. Un puissant groupe financier cherche à acquérir un terrain pour y construire un parc d’attractions, propriété de Gaby qui s’y refuse, ce qui exaspère au plus haut point Richard Brunevigne le député du coin qui va tenter de couler par la bande le journal. Quand Nicole Dortlinger partie en randonnée disparait durant une semaine sans plus savoir ce qu’il lui est arrivé, cette Nicole gouvernante chez le sénateur… Nathan pressent un vague rapport entre cette disparition, la vente du terrain et le sénateur.
Il y a des lecteurs qui vivent au rythme des parutions d’Amélie Nothomb, moi c’est à celles de Philippe Djian, chacun ses vices. Je comprends très facilement qu’on n’aime pas particulièrement Djian, ses romans sont légers, très courts, ceux-là diront sans épaisseur, l’écriture travaillée pour ne laisser aucune graisse sur les os, aucune phrase qui ne sert à rien, peut paraître pauvre. Et si ses romans sont toujours dans l’air du temps, ici il y a du #metoo et l’indépendance de la presse, ça reste toujours discret. Moi, c’est justement tout cela qui me séduit chez l’écrivain, ajoutons-y une tonalité fraiche et un humour à peine palpable mais toujours présent, alors si le bouquin est lu en quelques heures à peine, ce sont quelques heures très agréables.
Au menu de ce dernier opus, un bouquin qui ressemble à s’y méprendre à un polar car le sénateur va mourir noyé électrocuté dans sa baignoire. L’enquête est vite cloclo-se (sic !), accident domestique. De son côté Nathan interroge à de multiples reprises Nicole et au fur et à mesure que le récit avance, des révélations vont éclore. Par ailleurs il fait la connaissance de la femme du sénateur pour une histoire de chien… Tout est très mystérieux car Nicole semble perdre un peu les pédales et le mystère s’épaissit quand (p.176) Barbara déclare tout à trac à Nathan « Ce que nous avons fait ensemble, c’est incroyable, non. J’en frissonne quelques fois. Pas vous. »
D’autres morts enjolivent l’intrigue, les ellipses de Djian tiennent le lecteur éveillé et si le sexe torride d’autrefois n’est plus de mise, l’écrivain ne peut s’empêcher de tourner autour avec ici une variante amusante (?) pour nous mais moins pour Nathan qui devra faire avec sa femme, sa belle-mère, Nicole et Barbara ! Et comme dans une variante d’un poème de Prévert, il y a un chien et une bestiole volante non identifiée « cette gorgone rutilante (…) couverte de fines écailles » qui lui colle aux basques.
Quand le bouquin s’achève, rien n’est éclairé réellement concernant la mort du sénateur, le lecteur ne peut qu’envisager.
« Richard Brunevigne et ses amis pèsent lourd. Ce sont des banquiers, des industriels puissants, des assureurs, des administrateurs de fonds de pension, des gars âpres au gain, bref, pris individuellement, chacun pèse assez lourd. Mais s’ils se mettent ensemble, ma foi, je n’ose pas imaginer la puissance de feu qu’ils peuvent déployer. Je sais, finit-elle par déclarer tandis que nous roulons en silence, mais nous avons une bonne carte en main. Nous avons des lecteurs. »
Philippe Djian Sans compter Flammarion - 238 pages -
Dans ce roman il est beaucoup question de cette race de chiens, le Coton de Tuléar :
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