Marcel Aymé : Brûlebois
12/06/2023
Marcel Aymé (1902-1967) est un écrivain, dramaturge, nouvelliste, scénariste et essayiste français. Ecrivain prolifique, il a laissé deux essais, dix-sept romans, plusieurs dizaines de nouvelles, une dizaine de pièces de théâtre, plus de cent soixante articles et des contes. Il a également écrit de nombreux scénarios et traduit des auteurs américains importants : Arthur Miller (Les Sorcières de Salem), Tennessee Williams (La Nuit de l'iguane). Brûlebois publié en 1926 est le premier roman de l’écrivain.
Le roman débute le 11 novembre 1918 dans une petite ville de province jamais citée mais on peut facilement imaginer qu’il s’agit de Dole en Franche-Comté sans que ce soit très important. Marcel Aymé introduit les principaux personnages de son roman : Hector Reboudin, une figure locale considérée menant une vie aisée mais en conflit permanent avec son épouse ; ils ont un fils, Charles, un adolescent ; Beudot cousin jovial d’Hector et Rodolphe, autre cousin, illuminé délirant mystique ayant créé une nouvelle religion encore discrète. Et puis il y a la Lune, « notoirement pauvre, il passait ses journées à la pêche » il vit dans « un immeuble lépreux, une espèce de cave divisée en deux compartiments » et enfin Brûlebois, jadis sous-préfet, tombé en déchéance suite à une rivalité amoureuse avec un plus puissant que lui, aujourd’hui « il le sait bien qu’il est un ivrogne, un saoulot, un déclassé, un propre à rien » qui n’a qu’une idée en tête, gratter trois sous comme porteur de bagages à la gare pour se payer ses litres de vins.
Si ce premier roman est très fréquentable, ça reste un premier roman et même si j’en ai aimé la lecture, j’ai trouvé sa composition étrange. Le ton est à l’humour discret bien que le sujet ne soit pas particulièrement amusant, un pochetron pathétique dont on suit les derniers jours de sa vie ! Et autour de ce thème, les acteurs précédemment cités vivent leurs petites vies, elles-mêmes pas franchement désopilantes, les Reboudin en viennent à se haïr et dans un final carrément comique (?) vont se livrer à un sprint au coude à coude dans une guerre de l’asthme, à celui qui va mourir le premier pour avoir le dernier mot ! Quant au fiston, il va se lancer dans une liaison vouée à l’échec avec une jeune voisine néanmoins déjà veuve deux fois… Restent Brûlebois et son ami la Lune qui le soutiendra jusqu’à la fin, compagnons de misère, et cette belle scène finale où notre héros mourant à l’hôpital quémande une bouteille au prêtre venu lui apporter les derniers sacrements.
Conclusion, si la construction m’a un peu dérouté, ce roman propose de savoureux portraits de personnages secondaires, les prémices de ce que l’on retrouvera souvent dans les autres romans de Marcel Aymé, des déclassés, indésirables mais néanmoins sympathiques, assumant pleinement leur mode de vie.
« « Si c’est pas malheureux, un homme qu’a été sous-préfet. » Car c’était vrai qu’il avait été sous-préfet, il y avait bien longtemps, sous le ministère Jules Ferry, qu’il disait. Brûlebois ne gardait d’ailleurs aucune amertume de sa déchéance. Son orgueil s’en était allé au long des années de misère et de saouleries qui avaient suivi sa magnificence de potentat d’arrondissement. Si le souvenir de sa grandeur passée venait le hanter, il en ressentait plutôt une fierté naïve, un peu comme s’il eût lâché un empire pour cultiver des laitues. Dans le besoin, il se drapait dans sa dignité fanée pour apaiser la colère de la Lune intimidé par l’évocation de cette pourpre administrative. »
Marcel Aymé Brûlebois Gallimard La Pléiade Œuvres romanesques complètes Tome 1 - 100 pages –
8 commentaires
Bon, je n'en fais pas une priorité, je viens de noter Uranus chez Marilyne, qui semble plus abouti.. et merci pour ta participation au rendez-vous !
Ayant déjà beaucoup lu Aymé, cette LC était une bonne occasion pour moi d’aller voir dans le moins bon de son œuvre. Moins bon ne voulant pas dire mauvais !
Cette lecture commune, que je n'avais pas repérée, me donne envie de lire autre chose que les nouvelles de Marcel Aymé, nouvelles que je connais déjà, pour mon plus grand bonheur !
Il y a d’excellents romans à lire chez cet écrivain, j’en ai chroniqué plusieurs. Tu vas te régaler j’en suis certain…
J'ai l'impression que je n'ai pas encore lu celui-là. Par chance, Marcel a été prolifique, heureux que nous sommes!
Hé oui ! La bonne nouvelle c'est qu'il y a un paquet de bonnes choses à lire chez Aymé. Même moi il m'en reste encore et ça m'est agréable de le savoir...
Un titre inconnu, comme beaucoup, il y a de quoi, donc...
Cet écrivain est une vraie mine de bonnes lectures et c’est bon de le savoir car ainsi on peut toujours y revenir quand on est en manque de livres de qualité…
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