Pierre Bordage : Ceux qui sauront
26/06/2023
Pierre Bordage, né en 1955 en Vendée, est un auteur de science-fiction qui a signé le renouveau de la science-fiction française des années 1990, genre qui était alors dominé par les auteurs anglophones. Auteur d'une quarantaine d'ouvrages ainsi que de nouvelles, publiés chez différents éditeurs et de différents genres (Fantasy historique, Science Fantasy, polar, etc.), il a aussi conçu des novélisations et réalisé quelques scénarios pour le cinéma, pour ensuite s'essayer à l'adaptation théâtrale, ainsi qu'à celle de sa propre œuvre en bande dessinée.
Ceux qui sauront (2008) est le premier volet d’une trilogie suivi par Ceux qui rêvent (2010) et Ceux qui osent (2012). Petite précision d’importance, il s’agit d’un roman « jeunesse ».
Le roman se déroule en 2008 mais Pierre Bordage ayant réécrit l’Histoire, la France est une royauté dont le roi Jean IV est le monarque. La Révolution française a échoué, Léon Gambetta et Jules Ferry qui voulaient populariser l’instruction obligatoire et laïque, ont été assassinés, l’accès au savoir est interdit au peuple. La société est coupée en deux, les pauvres, surnommés les « cous noirs », survivent comme ils peuvent tandis que l’élite seule profite du confort et des nouvelles technologies. C’est alors que des instituteurs commencent à donner des cours clandestinement aux enfants.
Deux gamins sont les héros de ce roman. Jean, fils d’ouvrier, est un « cou noir » qui vient d’entrer dans le monde du travail tout en suivant des cours d’écriture et de lecture dans une école clandestine. Clara est la fille du directeur de la Banque Royale, elle vit à Versailles avec sa riche famille, autorisée à fréquenter l’école. Leurs deux destinées vont se croiser, leurs cœurs battre à l’unisson et ils vont être entrainés dans de multiples aventures parsemées d’autant de rebondissements qui vont les séparer puis les réunir dans un happy end ouvrant vers de nouveaux horizons qu’on pressent pleins d’imprévus…
Je l’ai dit c’est un roman destiné à la jeunesse et dans ces conditions on n’en attendra pas plus, mais c’est un bon bouquin. Certes l’intrigue est classique dans sa construction, un chapitre avec Jean, un autre avec Clara et ainsi de suite, chacun se terminant sur un petit suspense. Par contre le fond est intéressant, pour conserver le pouvoir, les puissants ont confisqué le savoir et l’instruction qui mènent à la réflexion. Le couvercle est sur la marmite apparemment, mais sous celle-ci, dans l’ombre, certains se donnent les moyens d’accéder à la lecture et à l’écriture. La lutte des classes est en marche…
J’ai bien aimé aussi le contraste troublant entre l’époque 2008 (hier donc) et le régime politique de la France. Le plus souvent le texte semble se dérouler presque deux siècles plus tôt, les nobles d’un côté, la cour au château de Versailles, et ce petit peuple genre Cour des Miracles, et puis soudain il est question de voitures ou de trains (mais pas de téléphones), même d’une sorte d’internet ! Ca réveille le lecteur.
Un bon roman mais pour la jeunesse néanmoins.
« Il se rendait compte que rien n’avait changé pour les gens du peuple depuis l’époque de Victor Hugo. Le cours du progrès s’était arrêté en 1882, ou plutôt, à partir de cette date, les classes gouvernantes l’avaient annexé à leur seul profit. Elles avaient interdit l’école aux enfants du peuple, maintenu les inventions et l’énergie à un prix tellement élevé qu’elles étaient réservées aux seuls gens fortunés. Pourquoi avaient-elles ainsi enfermé les classes laborieuses dans l’ignorance ? Quel était leur intérêt de bloquer le progrès ? Le bonheur des uns dépendait-il du malheur des autres ? »
Les commentaires sont fermés.