Margaret Kennedy : Le Festin
09/10/2023
Margaret Kennedy (1896-1967) est une femme de lettres, romancière et scénariste britannique. Paru en 1951 sous le titre La Fête, le roman vient d’être réédité en poche sous son nouveau titre, Le Festin.
Cornouailles en 1947. Le révérend Seddon venu rendre une visite au père Bott, le trouve en pleine rédaction d’une oraison funèbre, un hôtel vient d’être emporté par l'éboulement de la falaise qui le surplombait. Les survivants choqués ont raconté au père Bott leurs derniers jours, corps du récit…
L’hôtel était tenu par les Siddal, couple ruiné avec trois grands garçons, ayant transformé leur grande demeure en hôtel. C’est elle qui gère la baraque, Dick le mari, personnage falot vit à l’écart dans un placard ! Le personnel se compose de l’intendante Dorothy Ellis, femme acariâtre qui déteste tout le monde, Fred le serveur et la charmante Nancibel Thomas la femme de chambre.
Les pensionnaires forment une troupe très hétéroclite : Lady Eirene et sir Henry Gifford, elle est en mauvaise santé et garde la chambre, ils ont quatre enfants adoptés ; les Cove, une veuve avec trois fillettes maltraitées ; le chanoine Wraxton, un caractère de chien, et sa fille Evangeline, timorée ; le couple Paley ; Anna Lechene, écrivaine, cynique, d’un certain âge et son chauffeur/amant Bruce, à sa botte par intérêt.
Le roman est découpé en sept chapitres, les sept derniers jours avant le drame. Un bouquin très agréable à lire avec un je ne sais quoi qui l’apparenterait presque à un polar avec son petit suspense : on sait que la falaise va s’écrouler, on apprendra que certains le savaient mais n’en ont pas tenu compte, on ne sait pas qui va mourir.
Les très nombreux personnages sont pour l’écrivaine une véritable foire aux caractères, méchanceté, rancune, tous ou presque sont assez épouvantables dans leur genre, les ragots circulent, les vilénies se révèlent, une statuette est volée, des liaisons amoureuses se créent, etc. Le summum de l’ignominie semble atteint quand les petites Cove manquent se noyer sous l’œil désintéressé de leur mère !
Petites filles qui souhaiteraient, unique moment réjouissant de leur courte vie, organiser un festin pour tout le monde dans l’hôtel. Mais elles n’ont pas d’argent, c’est la sortie de la guerre, les tickets de rationnement sont nécessaires. Quelques pensionnaires vont les aider dans leur entreprise, poussant les plus récalcitrant à participer, festin qui se tient sur la falaise, laquelle s’effondre.
Il se passe tant de choses dans ce roman qu’il est impossible d’en dire plus et malgré ce qui pourrait être un grand désordre (évènements multiples, personnages nombreux) le lecteur suit cette histoire avec beaucoup d’intérêt. L’intrigue par elle-même étant constellée de petits détails sur la situation sociale/politique de la Grande Bretagne à cette époque (« Ce n’est pas de l’argent que les gens veulent de nos jours. On n’en serait pas là sans ça. Tout ce qu’ils veulent, c’est travailler de moins en moins. ») qui sonne étonnement moderne.
Il paraît qu’on peut aussi y trouver la trace des sept pêchés capitaux (Gourmandise, colère, luxure, orgueil, envie, paresse, avarice) incarnés chez certains acteurs du livre, la comparaison religieuse pouvant être prolongée par les sept jours précédant le big-bang fatal, lui-même métaphore d’un monde qui disparaît, « Moi, je ne crois pas qu’aucune catégorie d’individus soit particulièrement responsable de ce monde qui s’effondre. S’il n’y avait pas quelque tare en chacun de nous, on pourrait s’arranger de n’importe quelle catégorie, si dangereuse fût-elle. »
Un bon roman.
« Elle n’aimait pas sa mère. Il ne venait à l’esprit d’aucune d’elles qu’elles auraient dû l’aimer. Mrs Cove n’avait jamais recherché leur affection. Mais elles ne la jugeaient pas, ni ne se révoltaient contre elle. Celle-ci dominait et gouvernait leur vie à la manière d’un climat hostile et elles acceptaient sa loi comme un mal inévitable, échappant à sa dureté par instinct plus que par raison. Car leur mère n’avait de contrôle que sur leur vie extérieure et matérielle ; elle n’avait pas de prise sur leur âme. »
Margaret Kennedy Le Festin Folio - 565 pages –
Traduction de l’anglais par Denise Van Moppès entièrement révisée
6 commentaires
Beaucoup aimé, je cherche à lire un autre roman de l'auteur, d'ailleurs.
Tu devrais trouver car elle a beaucoup écrit …
Ce roman semble à la fois foisonnant et distrayant.
Exactement, plein de trucs et très distrayant à la fois, un bon moment de lecture...
un roman qui me semble typiquement britannique et qui pourrait me plaire.
Je crois que c’est le genre de roman qui peut plaire à tout le monde ! Rien qui n’offusque ou gêne certains, pas de défauts, une intrigue qui roule à un bon rythme… que demander de plus ?
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