Leonardo Padura : Ouragans tropicaux
16/10/2023
Leonardo Padura Fuentes, né en 1955 à La Havane (Cuba), et licencié en philologie, est auteur de romans policiers, scénariste, journaliste et critique littéraire, auteur d’essais et de livres de contes. Il amorce sa carrière de romancier en 1991 et devient l'auteur d'une série de romans policiers ayant pour héros le lieutenant-enquêteur Mario Conde qu’on retrouve ici avec Ouragans tropicaux qui vient de paraître.
Ceci n’est pas un roman. Mais deux !
Mars 2016, La Havane a la fièvre, Barack Obama vient en visite sur l’île, suivi de près par les Rolling Stones pour un concert mémorable en plein air qui réunira un million de spectateurs. La police sur les dents et débordée fait appel à Mario Conde pour résoudre une enquête sur le meurtre d’un vieil homme, autrefois il y a quarante ans haut fonctionnaire de la Culture, un terrible inquisiteur qui ruina de nombreux artistes, au propre comme au figuré. Crime sordide, la victime a été mutilée et sodomisée, des tableaux ont été volés, l’affaire s’annonce complexe, tout le monde le haïssait.
Mario Conde, désormais retraité, s’est converti en libraire pour arrondir sa modeste pension et toujours titillé par le désir d’écrire un roman vient d’en trouver le sujet en consultant de vieux documents d’époque : Dans les premières années du XXème siècle, tandis que l’île tremble à l’idée que la comète de Halley ne s’y écrase, un jeune flic devient contre son gré l’ami d’un puissant proxénète, le classieux Alberto Yarini ayant des visées politiques tandis qu’une guerre de territoire s’ouvre avec ses concurrents.
Nous avons donc deux romans pour deux histoires alternant les chapitres et qui s’en plaindrait car Leonardo Padura vient très certainement d’écrire ici son meilleur bouquin de la série. Si je n’ai pas lu tous les volumes précédents, j’en sais assez pour constater que ces Ouragans tropicaux ne manquent pas de souffle, au contraire : la densité du texte et l’envergure du propos, historique et social en font un excellent roman dont il faudrait dire mille choses et relever les métaphores.
Deux époques de Cuba à un siècle d’intervalle, deux moments bouillonnants tels deux ouragans ; deux périodes différentes certes mais où les puissants font injure aux plus pauvres ; deux héros très distincts mais si proches, un jeune flic à peine titularisé, plein de convictions sur l’honnêteté mais qui les abandonnera à son insu, subjugué par le charisme de Yarini « l’hyperbole macabre d’une condition sociale malade et d’une exigence morale en crise profonde », et un vieil ex-flic qui en a tant vu, où tous deux mettront la loi de côté le temps de rendre justice. Mais y-a-t-il des crimes justes ?
Un polar comme on les aime, de ceux qui derrière l’intrigue proprement dite dressent un portrait saisissant d’une époque, d’une société, où la dictature politique révolutionnaire a été remplacée par celle de l’argent. Et en prime ou en guest star, Napoléon Bonaparte qui s’invite dans l’histoire !
Magnifique.
« Dimanche soir. Encore plus de fête et de musique. La Havane s’amuse. Encore une tournée, on a faim ! Obama arrive, messieurs-dames ! a crié quelqu’un. Et avec Obama, un paquet de yankees avec des dollars, la monnaie de l’ennemi qui plaît tellement aux gens, qui résout tellement de problèmes. On va ouvrir des commerces, on va renverser le monde, ils vont peut-être lever le blocus et hop, on va sortir du sous-développement et même du tiers-monde. La Havane est folle, La Havane rêve. »
14 commentaires
Tiens, je l'ai offert hier à ma belle-mère (qui a gardé d'un séjour à Cuba de très bons souvenirs) pour ses 80 ans, dédicacé qui plus est, ayant eu l'occasion (et l'immense plaisir!) de rencontrer l'auteur au salon du livre de poche qui s'est tenu le week-end dernier près de chez moi.
J'ai adoré L'homme qui aimait les chiens, mais j'avoue avoir eu plus de mal avec le seul Condé que j'ai lu (Les brumes du passé) en raison de l'écriture parfois trop emberlificotée..
« Ecriture emberlificotée » ? Peut-être fais-tu allusion à certaines longueurs ou digressions qui peuvent égarer ou lasser le lecteur ? Ce n’est pas complètement faux mais justement avec ce roman, bien que très dense et menant deux histoires en parallèle, Padura maîtrise bien son sujet et c’est en cela que je considère, au vu de mes quelques lectures précédentes, que c’est son meilleur bouquin de la série des Mario Conde.
Oui, je parle des longueurs, et de certaines phrases qui auraient mérité d'être scindées à mon avis... ceci dit, j'avais apprécié l'ambiance et les personnages. A voir, j'emprunterai peut-être ces Ouragans tropicaux à belle-maman !
Sans chercher à te convaincre de lire ce livre, je pense sincèrement que c’est un très bon roman. Le seul conseil que je me permets de te donner, consulte d’autres critiques pour t’en faire une bonne idée, écoute ce qu’en pense ta belle-mère ( !) et ensuite tu vois….
Deux bons polars en un seul roman... quoi demander de plus ?!
Bah oui ! Imparable, non ?
je lis très peu de polars, donc je laisse passer ce roman
Il y a polar et polar ! Je ne sais pas si tu as déjà lu cet écrivain, il écrit des romans littéraires à portée historique et sociale, le polar n’étant que le médium pour tenir le lecteur attentif. Et ici, c’est du très bon ! Ce n’est pas du « vrai » polar ou du polar pur.
Son dernier m'avait paru long, j'avais lâché, manque de persévérance, car j'ai déjà lu de lui de bons gros pavés avec deux voire trois histoires dedans!
Je suppose que tu veux parler de « La Transparence du temps », roman que je n’ai pas lu… donc, je ne peux rien en dire ! Mais je maintiens que celui-ci est très bon.
Ca fait un moment que je n'ai pas lu Leonardo Padura. Je ne dis pas qu'à l'occasion je ne me laisserais pas tenter... Peut-être pas un si gros.
J’ai longtemps hésité moi aussi, car je n’aime pas les gros romans, mais en fait il se lit vite et bien et surtout….. il est vraiment très bien !
j'ai une tendresse particulière pour cet auteur... peut-être parce que j'ai lu et adoré Les Brumes du passé à Cuba même! Tu donnes très envie de revenir le lire.
Et celui-ci est vraiment très bien, je le conseille fortement. Mais ce n'est que mon avis...
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