Friedrich Dürrenmatt : La Promesse
11/12/2023
Friedrich Dürrenmatt (1921-1990) est un écrivain, auteur de romans policiers, dramaturge et peintre suisse de langue allemande. Petit-fils d'Ulrich Dürrenmatt, célèbre satiriste, poète et politicien bernois, Friedrich Dürrenmatt hérite de son esprit provocateur qui caractérisera ses travaux ultérieurs. Après une adolescence mouvementée il poursuit ses études à l'université de Berne. Il y étudie la littérature allemande et l'histoire de l'art, mais aussi les sciences de la nature. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à 24 ans, il écrit sa première pièce de théâtre, Les Fous de Dieu, qui provoque un scandale après sa première en 1947, ce qui le rend célèbre bien au-delà des frontières suisses. Au cours des années suivantes, il lutte pour gagner sa vie comme écrivain et pour surmonter un diabète handicapant. Il se met à écrire des nouvelles, des romans policiers, et des pièces radiophoniques pour subsister, mais il n'a jamais renoncé à écrire des pièces de théâtre. Dramaturge mondialement reconnu, il est également peintre : « l'écriture est sa profession, et la peinture sa passion ».
La Promesse, roman de 1958, vient d’être réédité dans une nouvelle traduction. Le roman s'inspire du scénario du film Ça s'est passé en plein jour dont Dürrenmatt est le principal coauteur et comporte le sous-titre : « Requiem pour le roman policier ». Il existe une autre adaptation cinématographique datée de 2001, The Pledge, film américain réalisé par Sean Penn, avec Jack Nicholson.
Pour une large part il s’agit d’un polar, mais qui va s’avérer beaucoup plus profond et original que ce à quoi nous sommes habitués avec ce genre littéraire, bref, un très bon roman.
Matthias, excellent commissaire, « un solitaire, toujours bien mis, impersonnel, protocolaire, sans relations connues, il ne fumait pas, ne buvait pas, mais possédait son métier comme personne et l’exerçait durement, impitoyablement, suscitant autant de haine que d’admiration » est à quelques jours à peine de sa mutation/promotion en Jordanie quand on lui signale l’assassinat d’une gamine, Gretl, dont le corps a été retrouvé dans une forêt. C’est un colporteur qui a trouvé le corps et prévenu la police mais de nombreux indices le désignent comme le véritable coupable et comme il se pend dans sa cellule, ça arrange bien la hiérarchie policière. Matthias, lui, n’est pas convaincu et il fait la promesse à la mère éplorée de retrouver l’assassin. Il annule son départ pour la Jordanie et à titre privé poursuit l’enquête…
Résumé classique me direz-vous à juste titre, mais court résumé uniquement vous rétorquerais-je. En fait, le roman débute par la rencontre fortuite entre un écrivain (l’auteur ?) et un certain H., commandant de la police de Zürich, ancien supérieur de Matthias, qui va lui raconter toute l’affaire et dont nous savons dès ce début ce que Matthias est devenu.
Nous avons donc une intrigue policière, peut-être pas toujours bien ajustée, mais surtout et c’est ce qui fait l’intérêt de ce livre, une analyse du roman policier en tant que genre littéraire, H. donne les éléments factuels de l’enquête à l’écrivain tout en sachant et lui faisant remarquer que celui-ci en fera une autre histoire, très proche de la réalité certainement mais plus adaptée au concept de roman. Il en veut pour preuve que dans les polars, l’épilogue doit respecter des codes ou des règles, or dans l’affaire qui nous intéresse ici, la solution de l’énigme sort de ce cadre, puisqu’elle réside entièrement dans le hasard ! Hasard absolu qui donnera raison in fine à Matthias mais qui le condamnera à la déchéance et à la folie.
Très bien.
« Avec n’importe quel autre crime, nous sommes moins ennuyés. Nous n’avons qu’à réfléchir aux motifs : difficultés financières, jalousie, et déjà le cercle se resserre autour des suspects. Mais dans le cas d’un meurtre à caractère sexuel, cette méthode n’a pas de sens. Il suffit qu’un type en voyage d’affaires aperçoive une gamine ou un gamin et qu’il descende de sa voiture – pas de témoins, pas de constatations, et le soir, le revoilà chez lui, à Lausanne ou à Bâle, Dieu sait où, et nous, on reste là, sans un indice. »
Friedrich Dürrenmatt La Promesse Requiem pour le roman policier Gallmeister Totem - 183 pages -
Nouvelle traduction de l’allemand par Alexandre Pateau
8 commentaires
Lu aussi récemment, je l'ai trouvé très bien ai juste été un peu gênée par le profil psychologique du meurtrier, celui qui est supposé par le policier... et qui s'avère exact.
Je trouve que c’est ce qui fait l’intérêt de ce roman, le point de vue original avec lequel l’écrivain traite son sujet.
ça me plait ! Je suis rarement déçue par les éditions Gallmeister. Je note donc ce titre pour plus tard
Le catalogue de Gallmeister est riche d’excellentes lectures, ce n’est pas moi qui dirais le contraire. Néanmoins, depuis un certain temps, l’éditeur peine à retrouver un second souffle…
J'ai vu qu'il a pourtant élargi ses horizons. Il ne se cantonne plus à la littérature américaine
Exact, c’est bien pour cela que je dis qu’il cherche un second souffle….
je garde ce titre pour le mois de littérature de langue allemande de novembre 2024. je suis intéressée par l'analyse du roman policier qui est un genre qui d'habitude ne me plaît guère
Whaou ! Une LC pour novembre 2024 ! Je suis un gars assez organisé mais qui ne lit que par plaisir, à l’instinct, selon l’humeur du moment, alors prévoir une lecture pour si loin……
Ceci dit, ce bouquin me semble parfait pour satisfaire ton intérêt mais tu l’as bien compris, c’est un roman pas un essai.
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