Jean-Baptiste Del Amo : Le Fils de l’homme
22/12/2025
Jean-Baptiste Garcia, né à Toulouse en 1981, a pris un pseudonyme lorsqu’en 2008 alors qu’il s’apprête à publier son premier roman, son éditeur, Gallimard, publie aussi le premier roman d’un autre auteur toulousain, Tristan Garcia, partageant donc le même nom de famille. Jean-Baptiste Garcia prend alors le nom de plume de Del Amo, le nom de sa grand-mère paternelle. Le Fils de l’homme date de 2021.
Après six ans d’absence, un homme revient vivre avec sa compagne et leur fils de neuf ans. Un quasi étranger pour l’enfant, une emprise pour la mère, et il les entraine vers la montagne, les ayant convaincus de passer la belle saison dans la maison de son enfance, « Les Roches », qui s’avère être une presque ruine perdue loin de tout et de tous, hors des sentiers empruntés par les randonneurs. Le père se lance dans des travaux d’aménagement et grosso modo, bien que la vie y soit dure, chacun prend ses marques.
Le père traine un lourd passé psychologique qui le hante, lié à cette maison, et y revenir devait l’en libérer, pensait-il. Ce sera tout le contraire et lentement une sorte de folie paranoïaque va rendre leur vie effrayante, le séjour qui ne devait durer que quelques mois n’était qu’un prétexte pour les amener ici, la mère et le fils devenant prisonniers de ces lieux inhospitaliers, au cœur de cette nature sauvage, à la merci d’un homme gravement dérangé. La situation ne pourra que dégénérer…
Au nom du père, du fils et du malsain esprit.
Un roman qui ne manque pas d’atouts, donc plutôt bon, mais qui néanmoins me laisse au final un goût de déception.
Quand on connait l’auteur, on sait qu’il écrit très bien, un style affirmé, peut-être un peu trop parfois, chargé d’une solennité entretenant le drame qui couve et le vocabulaire est riche (« Un bloc de chairs algides »). Dans ce roman il adopte une distanciation avec ses personnages, il ou elle fait ceci ou cela, et les trois protagonistes ne sont pas nommés, juste, le père, la mère, le fils, ce qui crée une sorte de vague malaise pour le lecteur qui dès le départ sait que le récit ne va pas être amusant !
Le thème du roman s’attaque à la transmission de la violence de père en fils, certains parleront de malédiction familiale, d’autres de déterminisme social, chacun ses références. La figure du père représente une autorité dominante animée par une folie destructrice s’exerçant à l’encontre de sa propre famille, et à l’insu de son plein gré pourrait-on dire, car dans l’esprit du père, cette réclusion devait au contraire ressouder les liens familiaux et faire expier la faute de la mère (elle est enceinte d’un autre), « Pour trouver en lui la force du pardon et offrir à la mère la possibilité d’une rédemption. » Une vision malsaine qui lui fera reproduire le même schéma dramatique vécu enfant, en ces lieux, auprès de son père « un fou hanté par le remords de n’avoir pu sauver la femme qu’il avait aimé ».
Tout ceci est très bien, mais si je suis un peu déçu par ce roman, c’est que Jean-Baptiste Del Amo a choisi de ne pas respecter la chronologie des faits. Ca peut être un pari gagnant parfois, ici, non : ces allers-retours dans le temps cassent la montée dramatique de la narration et au final, nous avons comme un superbe puzzle dont une pièce serait défectueuse, ce qui nuit au tableau que nous avons sous les yeux.
« - Il n’a jamais été vraiment question de nous retrouver, de nous donner une chance. – Pourquoi tu m’as suivi alors ? – Pourquoi je t’ai suivi ? Tu te poses véritablement la question ? Mais je t’ai suivi parce que j’avais peur. Je t’ai suivi parce que j’ai peur de toi. Même ton propre fils a peur de toi. Le père éclate d’un rire tranchant. – Regarde toi dit la mère en s’essuyant le nez du revers de la main. Tu es méconnaissable. C’est comme si tu étais bouffé de l’intérieur par quelque chose de terrible, quelque chose qui déborde de toi et qui menace de tout emporter. »
Jean-Baptiste Del Amo Le Fils de l’homme Gallimard - 239 pages -
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