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Tanizaki : Eloge de l’ombre (02/03/2017)

tanizaki, Junichirô Tanizaki (1886-1965) est un écrivain japonais. Etudiant à l'université de Tokyo, il publie en 1910 Le Tatouage, une nouvelle qui lui apporte une célébrité immédiate. Il s'engage alors dans la voie littéraire, publiant de nombreux récits qui s'inspirent souvent d'un Occident et d'une Chine exotiques – jusqu'au grand séisme qui secouera Tokyo en 1923. Tanizaki quitte alors la capitale pour la région de Kyoto et Osaka et, après avoir publié Un amour insensé (1924) qui signe la fin de cette première période, il opte pour un retour aux sources japonaises. L’écrivain laisse une œuvre unanimement considérée comme l'une des plus importantes du XXe siècle japonais.

Publié en 1933, Eloge de l’ombre est un essai dans lequel Tanizaki tente de cerner ce qui caractérise la culture japonaise, son âme profonde, en basant son argumentation sur l’ombre « qui nous apaise le cœur et calme les nerfs » et l’usage qui en est fait dans son pays. L’ombre devant être prise dans tous les sens possibles, que ce soit l’absence de lumière ou le clair-obscur dans un lieu ou bien la patine d’un objet. De petits paragraphes traiteront donc, de la qualité du blanc du papier japonais, de cuisine (la couleur de la soupe miso dans un bol), d’architecture, du théâtre nô ou plus improbable – mais néanmoins argumenté – des lieux d’aisance !

Une analyse qui s’appuie aussi sur la comparaison entre l’esthétisme japonais et occidental, le second préférant le clinquant, la brillance. Cet angle d’approche/d’étude n’est certainement pas le plus pertinent car trop simpliste, me semble-t-il, mais il démontre à travers maints exemples (électrification) que l’écrivain s’inquiétait pour l’avenir du Japon cédant aux sirènes de l’Occidentalisation en cours. D’un côté son cœur tient aux valeurs traditionnelles de l’ancien temps mais de l’autre, sa raison lui dicte qu’on ne peut refuser le progrès, reste alors la question essentielle, comment ménager la chèvre et le chou ? Junichirô Tanizaki ne le dit pas.

Eloge de l’ombre, un texte lumineux, pour tous ceux qui s’intéressent à la culture japonaise et veulent en comprendre quelques éléments.

 

 

« Chaque fois que, dans un monastère de Kyôto ou de Nara, l’on me montre le chemin des lieux d’aisance construits à la manière de jadis, semi-obscurs et pourtant d’une propreté méticuleuse, je ressens intensément la qualité rare de l’architecture japonaise. Un pavillon de thé est un endroit plaisant, je le veux bien, mais des lieux d’aisance de style japonais, voilà qui est conçu véritablement pour la paix de l’esprit. Toujours à l’écart du bâtiment principal, ils sont disposés à l’abri d’un bosquet d’où vous parvient une odeur de vert feuillage et de mousse; après avoir, pour s’y rendre, suivi une galerie couverte, accroupi dans la pénombre, baigné dans la lumière douce des shôji et plongé dans ses rêveries, l’on éprouve, à contempler le spectacle du jardin qui s’étend sous la fenêtre, une émotion qu’il est impossible de décrire. Au nombre des agréments de l’existence, le Maître Sôseki comptait, paraît-il, le fait d’aller chaque matin se soulager, tout en précisant que c’était une satisfaction d’ordre essentiellement physiologique; or, il n’est, pour apprécier pleinement cet agrément, d’endroit plus adéquat que des lieux d’aisance de style japonais d’où l’on peut, à l’abri de murs tout simples, à la surface nette, contempler l’azur du ciel et le vert du feuillage. »

 

 

tanizaki, Tanizaki   Eloge de l’ombre  Gallimard  La Pléiade Œuvres Tome 1  -  43 pages –

Traduction par René Sieffert

07:49 | Tags : tanizaki | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook |