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14/11/2017

Iegor Gran : La Revanche de Kevin

Iegor GranIegor Andreïevitch Siniavski, dit Iegor Gran, né en 1964, à Moscou, est un écrivain français. Il est le fils de l'écrivain dissident soviétique Andreï Siniavski. Arrivé en France à l'âge de dix ans, il fait des études d'ingénieur à l'Ecole centrale de Paris puis entreprend en parallèle à son travail d'ingénieur une carrière d'écrivain et choisit comme pseudonyme le nom de famille de sa femme. Depuis de 2011 il est chroniqueur à Charlie Hebdo. La revanche de Kevin date de 2015.

Le titre du roman ne me disait rien qui vaille, heureusement parfois il m’arrive d’aller au-delà de mes préjugés et j’en ai été récompensé.

Kevin H. a une amie et bosse dans une radio, il pourrait avoir une vie normale/quelconque mais il souffre de s’appeler Kevin, un prénom au poids infâmant pour lui. Alors il s’invente une double-vie, et en tant qu’Alexandre Janus-Smith, il profite du Salon du livre de la porte de Versailles, pour contacter François-René Pradel, un écrivain ayant connu plusieurs succès d’estime mais aujourd’hui en mal de notoriété. Se faisant passer pour un lecteur d’une grande maison d’édition, il lui fait miroiter un rebond intéressant après avoir lu son dernier manuscrit…

Je me suis régalé à la lecture de ce gentil roman car sous des abords légers et le plus souvent drôles, il recèle plusieurs angles de réflexion jubilatoire. Le principal touche à l’identité et à la personnalité, les principaux protagonistes de ce bouquin en ayant deux ! Comme le lecteur le constatera à l’approche de la fin du roman, si Kevin joue clairement un double-jeu, il sera lui-même victime du petit jeu dont il se croyait un maître. D’ailleurs, peut-on réellement parler de jeu quand un canular tourne au drame ? Drame en double, là encore.

Et pour que tout cela soit très drôle, du moins à mes yeux, « les méandres du jeu des masques, les subtilités du paraître et les arcanes de la mythomanie légère » se déroulent dans le milieu littéraire, ce qui nous vaut de délicieuses piques ou vacheries sur les écrivains et les éditeurs. Iegor Gran mène son affaire à un bon train, avec un humour cynique (« L’auteur étant décédé, on serait certes en manque de présence médiatique faite de chair et d’os, handicap largement compensé par cette aura mystique qu’ont les morts quand ils nous livrent leurs écrits par-delà le Styx. ») ou absurde (« Raymonde, elle sait pas se servir d’un portable, car elle est née au XXe siècle, moi aussi, mais c’est différent, j’ai été mariée deux fois. »).

Ne vous privez pas de cet agréable moment de lecture.

 

« - Ca peut être jouable, finit par comprendre le directeur général. Si nous, qui sommes aux avant-postes de la littérature et qui avons une sacrée expérience du verbe, si nous tous, ici présents, n’avons pas repéré Tanizaki, les chances que des lecteurs lambda découvrent le plagiat sont infinitésimales, sans même parler des critiques littéraires. Pradel a bien maquillé. On dirait vraiment que ça a été écrit hier, rue Bonaparte. (…) Personne n’y verra rien. Et si, par malchance, un fouille-caca venait à nous poser la question, on dira « intertextualité », « hommage littéraire »… »

 

 

Iegor GranIegor Gran  La revanche de Kevin  Folio – 198 pages -