Roland Dubillard : Confessions d’un fumeur de tabac français
02/11/2012
Roland Dubillard (1923-2011) est un écrivain, dramaturge et comédien français. En 1987 il est victime d’un accident vasculaire cérébral, à la suite duquel il devient hémiplégique. Son œuvre littéraire couvre un large domaine, des pièces de théâtre dont les fameux Diablogues, des nouvelles, des recueils de poésies, quelques essais et un journal intime. Son essai Confessions d’un fumeur de tabac français, date de 1974.
Evitons tout malentendu, ce court ouvrage d’une centaine de pages, n’est pas un manuel prophylactique pour lutter contre le tabagisme ! Pourtant l’idée de départ, consiste pour l’écrivain à écrire un journal quotidien dans lequel il inscrira les phases par lesquelles il va passer durant sa période de sevrage. Noter ses angoisses, ses doutes, ses succès et ses rechutes.
La première moitié du livre se présente effectivement comme un journal intime se déroulant sur quatorze journées, suivie par une seconde partie qui est un texte d’une seule traite. Entre quelques réflexions classiques sur les habitudes, gestes et mentalité, du fumeur type, Roland Dubillard se laisse aller à des divagations intellectuelles où il se joue des mots et des idées.
Le désir de la cigarette se trouve comparé au désir pour la femme, ce qui amène l’écrivain à faire intervenir une certaine Béatrice dans les pensées du fumeur en cours de repentir, « Une cigarette aussi belle que Béatrice, personne n’aurait osé l’allumer. » Pour autant ce désir n’est qu’intellectuel, une vue de l’esprit, un jeu avec les mots, « j’ai cru pouvoir en prendre possession par les mots », une possession illusoire comme l’avoue le narrateur.
Le texte court de l’une à l’autre, de la femme à la cigarette et l’inverse. Intimité certaine avec l’une (la cigarette), évoquée ou éventuelle avec l’autre (la femme) mais dont le lecteur et même l’auteur ne sait pas trop ce qu’il en ferait si devait arriver ce qui doit arriver dans une vraie vie, puisqu’il déclare benoîtement « Béatrice fut cette chose dont l’usage aurait pu avantageusement remplacer pour moi l’usage du tabac ». Les lectrices apprécieront.
Dubillard joue avec l’absurde et le sens du paradoxe, c’est sa marque de fabrique et c’est en cela qu’il réjouit nos petites cellules grises. Ses Diablogues sont une réussite absolue sur scène, mais ici dans ces Confessions, j’avoue m’être clairement ennuyé. Un texte sans queue - ça c’est certain - ni tête – à moins qu’il n’y en ait trop au contraire. Peut-être que l’écrit rend mal l’effet recherché par l’écrivain et qu’à l’oral la petite musique de la voix récitative de Roland Dubillard rendrait justice à son travail ?
Par ailleurs, le texte trop daté (1974) ne peut plus être lu aujourd’hui comme hier. Les mesures anti-fumeurs et les changements de comportement ou de mentalité des gens, rendent certaines affirmations ou passages du texte, complètement archaïques et obsolètes. Les lecteurs cultivés n’auront pas manqué de voir le parallèle entre le titre du livre de Dubillard et Les Confessions d’un opiomane anglais de Thomas de Quincey écrit en 1821.
Pour conclure je dirais qu’il s’agit d’un bouquin nébuleux pour ne pas dire fumeux !
« Le tabac et le fumeur donnent la représentation d’un combat qui se livre ailleurs, entre deux combattants inconnus. Le tabac n’est qu’un acteur, et le fumeur son comparse. Le même drame sera joué, dans un style un peu différent, par le vin et l’ivrogne ; par Othello et Desdémone. »
Roland Dubillard Confessions d’un fumeur de tabac français Folio
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